The world to come : l’âpreté d’un monde sans amour

Y a-t-il, en tant que personne amoureuse du cinéma, plus beau trésor que celui de se faire cueillir par un film ? C’est un débat auquel nous vous laisserons répondre par vos propres attentes mais force est de constater que ce fut notre cas avec The world to come, titre sorti discrètement en VOD. On ne peut d’ailleurs imaginer le potentiel explosif sur notre rétine lors d’une découverte par un plus grand écran que celui de notre télévision ou notre ordinateur au vu du bouleversement qui se dessine dans ce titre modeste d’apparence mais grandiose par ce qu’il s’y dessine.

Tout commence par le froid et le tourment. C’est une triste vie qu’une existence où l’on a connu la perte, inéluctable, soudaine mais encore plus douloureuse par sa nature inattendue. Voilà ce que ressent Abigail, habitée par la froideur de façade d’une Katherine Waterston jouant de cette souffrance intérieure. Il se crée une forme de distanciation dans un monde rugueux qui risque de mettre de côté, notamment par la nature de prison qui se forme dans la composition des cadres. L’enfermement émotionnel s’y matérialise avec une souffrance certaine, dans une impossibilité d’échapper par ce qui s’y révèle quotidien et bien trop commun pour espérer tout autre avenir.

C’est là qu’arrive le personnage de Tallie, lumineuse Vanessa Kirby qui illumine l’existence d’Abigail comme le printemps après l’hiver. Ce contrepoint amène une forme d’opposition qui se transforme en complétude extrême, un besoin d’ancrage l’une dans l’autre qui se voit ressortir par la forme d’un western âpre et sec. Cette sécheresse permet de mieux mettre en valeur les instants d’émoi dans une forme qui prend peu à peu une mesure sensible des plus bouleversantes. Il en ressort une beauté si simple, si facile et maintes fois répétée dans la plupart des créations artistiques : la satisfaction et l’épanouissement d’être aimé par la personne qui emballe notre cœur et notre univers.

De là, la forme en miroir entre le couple d’Abigail et celui de Tallie appuie une masculinité passionnante de failles et d’écrasement, que ce soit dans une fureur extatique ou dans une systémique plus discrète mais néanmoins destructrice. Mona Fastvold parvient à donner corps dans sa mise en scène à ce biais de narration plutôt bien abordé tout en y soulignant une modernité qui rend le dernier acte plus déchirant encore par le potentiel destructeur de l’amour. La dramaturgie du long-métrage s’y révèle encore plus prégnante, faisant renaître la sensation de perte avec une véracité qui émeut durablement.

The world to come fait preuve d’une puissance émotionnelle sourde, comme un souvenir qui resurgit pour mieux nous faire pleurer par l’impossibilité de retrouver le bonheur qui s’y trouvait pleinement. On en a eu des films sur l’amour mais Mona Fastvold prouve que c’est un triste monde que celui où on ne retrouve pas d’amour, encore plus cruel quand cet amour a été perdu dans les limbes des années, ne nous laissant que dans une mélancolie insidieuse de tourments…

The world to come de Mona Fastvold. Avec Katherine Waterstone, Vanessa Kirby, Christopher Abbott… 1h38

Sorti en juin 2021

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