Quatre ans après Contes de juillet, film venu de nulle part, résultant d’un atelier mené par le cinéaste avec les étudiants du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, Guillaume Brac réitère l’expérience sur un vrai projet de long-métrage. À l’abordage, passé à la Berlinale, débarque donc, et apporte avec lui un vent de fraîcheur et d’été.
Le cinéaste nous invite dans son conte estival, où les stéréotypes sont explorés, les rapports entre différents milieux sociaux mis en exergue. Pour ce faire, il nous fait partager le périple de trois jeunes hommes. D’un côté le trop sûr de lui Félix, de l’autre Shérif et Edouard (alias Chaton) les grands enfants galériens. Le premier décide sur un coup de tête de partir de Paris vers la Drôme faire une surprise à Alma, avec qui il pense pouvoir démarrer une idylle. La force des choses fait que le trio se retrouve ensemble dans un camping au bord de la rivière, et là débute pour chacun un voyage personnel et une évolution.
Guillaume Brac offre là une oeuvre éminemment réaliste, dans le sillage de sa filmographie. Ayant tourné son film chronologiquement, avec une construction peaufinée au jour le jour, on peut déceler dans ce récit une certaine spontanéité. Les comédiens, tous issus de la même promotion et dont il s’agit du premier long-métrage, sont d’un naturel presque déconcertant et contribuent au ton décomplexé, léger du film. Certaines répliques semblent superficielles ou plutôt sonnent faux, notamment entre Alma et Félix, mais cette fébrilité montre aussi une sincérité dans le jeu. On la retrouve chez les autres interprètes, devant incarner une timidité, une maladresse, et l’on voit alors à quel point le travail d’écriture est ici réfléchi, bien que ponctué d’improvisations et de réécritures le jour-même, pour un résultat alors hybride mais passionnant.

Les jeunesses françaises se rencontrent, et le cinéaste explore en apparence le désir et l’amour. Il filme au plus près ses personnages et leurs émois, avec beaucoup d’humour et de poésie. Pourtant, ce n’est pas tant ce qui l’intéresse. Ce qu’il veut montrer c’est la manière dont ces jeunes d’origines et de cultures différentes se heurtent et comment ces tumultes font grandir ces personnages. Quand l’un apprend l’humilité et la prise de recul par une désillusion amoureuse, les deux autres gagnent en confiance et vont de l’avant tant personnellement qu’émotionnellement, ils passent même à l’âge adulte. On a là une forme de récit initiatique, avec une conclusion qui corrobore à la dimension du conte, tout en faisant ressentir la force des relations éphémères d’été.
Habile narrativement, fort d’une mise en scène épurée et réaliste, À l’abordage est une réussite qui laisse rêveur et heureux. On déguste cette tranche de vie avec joie, se rappelant ainsi la beauté des jours ensoleillés et des rencontres qui les accompagnent.
À l’abordage de Guillaume Brac. Avec Eric Nantchouang, Salif Cissé, Edouard Sulpice. 1h35
Date de sortie non communiquée