Aaron Sorkin ne perd pas une minute de son précieux temps pour revenir avec un nouveau film. Les Sept de Chicago pour Netflix a d’une certaine manière concrétisé quelque chose que l’on commençait à comprendre dans son cinéma. Sorkin sait écrire, mais il ne faut pas lui demander de la mise en scène. À la manière d’une émancipation peu nécessaire, le scénariste de The Social Network continue à tourner sans se poser de questions sur la possible médiocrité du rendu final. Being the Ricardos rassemble un casting merveilleux, Javier Bardem et Nicole Kidman qui interprètent le couple star de la sitcom ‘I Love Lucy’. On a compris que le casting devait être au poil, que Sorkin faisait des films d’acteurs plutôt qu’un film avec des acteurs. Il n’y a qu’à constater le casting du précédent qui accueillait Sacha Baron Cohen, Mark Rylance, Yahya Abdul-Mateen II et bien d’autres.
Being The Ricardos a le cul entre deux chaises, et c’est en grande partie pour ça qu’il est moyen. Nous suivons les coulisses d’une semaine de production de la sitcom des années 50 ‘I Love Lucy’, et leurs protagonistes Lucille et Desi. Rien ne se passe comme prévu, Lucille est accusée d’accointance avec le parti communiste alors que de nombreux journaux avancent que Desi trompe sa femme. Au milieu de tout ça, il y a un épisode à tourner, avec toute la préparation que nécessite un tournage de sitcom. Sorkin commence avec des idées de narrations intéressantes, qui impliquent l’idée de prendre le rythme de la production comme métronome dans la vie du couple. Où le premier jour, celui de la lecture de l’épisode est le théâtre des non-dits, où chaque réplique établit l’état d’esprit du locuteur. En parallèle, le film est finalement, à la manière d’un making-of, encadré par des fausses interviews de plusieurs des intervenants du films, qui témoignent des années plus tard.

Si Being the Ricardos s’était arrêté à ça, il aurait eu bien plus d’impact. Le film est truffé de flashbacks, mettant en scène la rencontre et les premières années du couple. En plus d’être calées n’importe comment au montage rendant son ensemble confus, ces scènes ne servent strictement à rien. Un superflu qui prend ses spectateurs pour des idiots qui ne saisiraient pas la subtilité du concept. En plus d’être moins inspiré que d’habitude, Sorkin semble davantage intéressé par les hypothétiques prix, et semble proposer un catalogue du cinéma qui pourrait plaire à l’académie. Pourtant, son sujet est passionnant : observer toute la duplicité du système américain, ses contradictions qui transpirent à travers les rouages de la télévision. Lucille apprend qu’elle est enceinte, et décide avec Desi d’intégrer dans la Sitcom la possibilité que son personnage va avoir un enfant. Ils sont vite confrontés à des cadres éructant l’impossibilité de prononcer le mot enceinte, car ça laisserait suggérer que le couple adoré des États-Unis ait commis le péché de chair. Les faux-semblants, la relation du couple, de Lucille face à son travail… De nombreuses clés qui permettent au film de faire exister l’interprétation de Nicole Kidman.
Bien que la mise en scène et la photographie soient aux fraises, on ne peut pas reprocher à Aaron Sorkin l’interprétation de ses acteurs. Il les dorlote, et leur donne de quoi s’épanouir à travers l’image d’un couple qui se doit être parfait pour ses spectateurs. Alors qu’il représente le rapport de pouvoir entre les deux. Car ce qu’il y a de plus réussi dans le film, c’est l’obstination de Lucille pour sa scène avec ses fleurs qui doivent sortir comme il faut pour créer une situation comique. Tout au long de la semaine, elle essaie de réaffirmer un pouvoir qu’elle n’a jamais vraiment eu, comme pour se rassurer face aux accusations publiques. C’est finalement quand elle essaie qu’elle comprend que le peu de pouvoir qu’elle avait encore dépend de son mari.
Being the Ricardos est un film qui reste à la surface d’un sujet qui aurait pu être passionnant. Les talents de dialoguiste d’Aaron Sorkin ne lui permettent pas d’offrir quelque chose de vivant. Au contraire, il s’abandonne à des conventions qui auraient pour intérêt la flatterie grasse à l’intention d’une académie hollywoodienne fainéante.
Being the Ricardos écrit et réalisé par Aaron Sorkin. Avec Javier Bardem, Nicole Kidman, J.K Simmons…2h05
Sortie le 10 décembre 2021
[…] un scénariste qui se rêve réalisateur (Aaron Sorkin pour Being the Ricardos), et un acteur qui s’imagine réalisateur, Amazon Prime accumule les ratés, et confirme […]