« La femme n’est pas en position de désir, elle est en position, bien supérieure, d’objet de désir » disait Jean Baudrillard. L’auteur de Simulacre et Simulations essaye ici d’expliquer cette représentation, si peu explorée, du désir des femmes. Charline Bourgeois-Taquet lui emboite le pas avec les Amours d’Anaïs, l’histoire d’une jeune trentenaire fantaisiste qui se laisse rythmer par ses désirs.
Anaïs a trente ans et vit dans un tout petit appartement à Paris. Elle est très énergique, ne laissant pas souvent l’occasion à ces interlocuteur·ice·s de lui répondre, et se laisse déborder par le temps. Un temps qui ne lui dicte pas sa vie. Anaïs fréquente un jeune homme qui se lasse de son manque d’intérêt pour ses préoccupations et pour leur relation. Sans se laisser avoir par cette rupture, elle se met à fréquenter Daniel, un homme bien plus âgé qu’elle, marié à Émilie, qui lui plaît également.
Un résumé des premières minutes du film montre toute la volonté de Charline Bourgeois Taquet : raconter l’histoire d’une jeune femme qui vit dans son présent et qui ne veut pas se projeter plus loin. Le travail du mouvement nous inclut dans son histoire à travers des déplacements incessants (à pied, en courant, en vélo, en voiture…) pour relater une vérité sociale : à 30 ans, une femme doit déjà avoir choisi son avenir (sa vie amoureuse, son métier, son envie (ou pas) d’enfants) et se poser. Le récit n’est pas celui d’une femme qui s’accomplit déjà dans son rôle de mère, d’épouse et dans son métier. C’est une jeune femme qui se cherche encore en se confrontant aux réalités matérielles et symboliques de son époque tout en voulant poursuivre sa quête de désirs.
Cette quête n’est pas une revendication sexuelle ou physique. Anaïs vit tellement l’instant présent qu’elle ne se pose pas la question de savoir pourquoi elle est attirée par une femme par exemple. C’est une forme de curiosité, d’attirance pour en arriver à ce brulant désir érotique entre Anaïs et Émilie. Ce désir qui s’exprime par des regards, des gestes, des caresses : le corps est un outil de sensualité. Charline Bourgeois Taquet veut ici représenter une jeunesse impulsive, maîtresse de son corps et de ses envies et qui ne se laisse pas imposer son avenir par des diktats archétypaux et patriarcaux. Cette représentation est en opposition à celle du personnage de Daniel, le quinquagénaire avec qui Anaïs a une relation, qui semble plus s’intéresser à ce qu’Anaïs peut raconter à sa femme plutôt qu’au désir et à l’attirance naissante entre les deux femmes.

Les histoires générationnelles apportent un lot de questions et celle qui peut revenir au début du film est : Anaïs est-elle égoïste ? Sa volonté de liberté, de suivre ses désirs n’est pas vaine. Elle est juste consciente de la fragilité de l’existence, du sens de la vie et veut saisir toutes les façons qui peuvent la combler physiquement, moralement et intellectuellement avant de s’enfermer dans un schéma où il lui sera très difficile de pouvoir exister ainsi.
Dans un récit majoritairement féminin, Les Amours d’Anaïs arrive à développer une volonté de liberté, d’émancipation tout en gardant son personnage attachant dans ses qualités et ses défauts avec une Anaïs Demoustier exprimant parfaitement ce mélange de tendresse et de vivacité. Et ça, ça fait du bien !
Les Amours d’Anaïs de Charline Bourgeois Taquet. Avec Anaïs Demoustier, Denis Podalydès, Valéria Bruni-Tedeschi… 1h38
Sortie en salle le 15 septembre 2021. Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2021