L’Amérique d’aujourd’hui fascine plus que jamais le cinéma. Après Jean-Baptiste Thoret et son We Blew It revenant le lent et douloureux déclin de l’Amérique pour arriver à l’ère Donald Trump, le réalisateur allemand Claus Drexel pose sa caméra dans l’Amérique des laissées pour compte. À quelques semaines de l’élection présidentielle qui allait bouleverser le monde, il est allé à la rencontre de ces rednecks à Seligman, célèbre ville où passe la mythique Route 66 et qui a fait les beaux jours des commerces lorsque le tourisme fonctionnait encore. Abandonnée de tous, Seligman compte une population haute en couleur qui livre face caméra leurs espoirs et leurs convictions.
Seligman et ses 450 habitants… Ses deserts arides, ses plaines à perte de vue, ses vieilles voitures des années 60 cabossées et un kaleidoscope des habitants qui peuplent ces zones reculées et oubliées des Etats-Unis : vétérans, cowboys, barmans, propriétaires de motels… les laissés pour compte qui ont hissé Donald Trump jusqu’à la Maison Blanche. Et pour les comprendre, le réalisateur s’immerge totalement dans cette ville rurale en nous offrant des plans filmés au cinemascope absolument sublime, témoin d’une époque révolue. Un plan fixe sur deux amis chasseurs désossant un cerf qu’ils viennent de tuer, les pieds traînant dans une mare de sang. Le ton est donné. Et c’est sans jugement que Claus Drexel donne la parole aux pro-armes, à ceux qui soutient la politique de Donal Trump, mais également ceux qui n’y croient plus. À l’image de cette ville qui tombe en ruine en même que l’American Dream s’est évaporé.
America montre aussi le paradoxe de toute une partie de la population qui a aidé un milliardaire à devenir chef de la plus grande puissance du monde pour redorer le blason de l’Amérique et lui rendre sa grandeur alors que cette même population refuse de s’ouvrir aux autres : “Si vous décidez de vivre ici, soit vous adorez, soit vous détestez. Et si vous détestez, on veut pas de vous ici. Même si vous adorez, on voudra pas de vous” dixit la serveuse du bar du coin.
Une population repliée sur elle-même dont Drexel arrive sans aucun mal à nous en montrer autant les bons que les mauvais côtés avec une galerie de personnages tous différents mais tous aussi sincères qu’ils arrivent – parfois – à être touchant.
Sans jamais prendre parti, Claus Drexel dresse un portrait à vif d’une Amérique brisée – mise en lumière et en grâce par Sylvain Leser sur une bande-originale envoutante du génie Ibrahim Maalouf -, terriblement juste et subtil dans son propos.
America de Claus Drexel. 1h22
Sortie 14 mars