Pour son quatrième long-métrage, Camila sortira ce soir, Inés María Barrionuevo prend à bras le corps la jeunesse argentine pour lui offrir un espace où elle peut s’emparer de son corps et crier à la liberté.
Camila, une adolescente de 17 ans au caractère bien trempé, vient vivre à Buenos Aires avec sa mère et sa sœur. Elle intègre un lycée privé très conservateur. Dans ce milieu hostile, elle doit se faire une place auprès de ses nouveaux·velles camarades. Une révolution féministe est sur le point de commencer…
Il y a un geste très précis et assuré chez la réalisatrice. Elle connaît son sujet et sait comment l’appréhender. Justement, Camila semble totalement insaisissable. La caméra ne la suit pas, mais court après pour capturer son essence. Beaucoup de plans de dos et pourtant on arrive à deviner une véritable force qui émane, en témoigne la scène d’introduction où Camila tente d’échapper aux forces de l’ordre après une manifestation. Cet élan de liberté est cependant renfrogné par une photographie terne. Si la jeune fille rêve d’émancipation, le pays et la société l’en empêchent. En ce sens, le travail de la directrice de la photographie Constanza Sandoval arrive à jouer sur ce dédoublement de personnalité entre le jour et la nuit, le lycée et la boîte de nuit.

Si en journée, le soleil tapant d’Argentine empêche les filles de ce lycée privé de s’épanouir correctement, elles trouvent dans la nuit leur salut. Les couleurs deviennent plus chaudes, les corps se dénudent et se déhanchent. La musique est plus que jamais vivante. Si on peut imputer à la réalisatrice un trop grand nombre de scènes en boîte de nuit qui rendent le tout redondant, on doit lui accorder une vitalité belle à admirer. Elle évite d’ailleurs tout voyeurisme en capturant les corps comme des “objets” inatteignables. Le fait que son équipe soit composée à plus de 80% par des femmes est certainement aussi une composante essentielle pour appréhender au mieux ce long-métrage.
Loin d’être seulement un pamphlet pour l’émancipation féminine, Camila sortira ce soir porte en lui une force politique indéniable. Le film aborde beaucoup de thèmes – peut-être trop pour que l’on réussisse à s’y retrouver – : le harcèlement scolaire, la vengeance amoureuse, les premiers émois sexuels… Si toute cette partie est intéressante, celle qui l’est probablement plus est lorsque Camila commence à développer une conscience politique. La réalisatrice dessine le portrait d’une société où tou·tes les adultes ont abandonné, ne se battent plus et ne croient plus en rien. C’est aux plus jeunes de prendre le relai, chose qui n’est pas aisée lorsqu’il ne reste que des cendres mais rien ne peut arrêter ces jeunes femmes qui, aujourd’hui, prennent conscience de leur corps et de ce qu’elles représentent pour se dresser face à un patriarcat toujours aussi puant. Si le discours est plus que louable, il souffre de nombreuses longueurs qui amenuisent l’effet escompté, qui trouve un dernier souffle épique dans une séquence finale des plus belles.
En demi-teinte dans sa forme, Camilla sortira ce soir fait partie de ces films qui offrent un autre regard féminin sur les bouleversements que connait la société hors de nos frontières. La révolution est partout et se fera grâce aux femmes d’aujourd’hui. Et Inés María Barrionuevo en fait partie.
Camila sortira ce soir, d’Inés María Barrionuevo. Écrit par Andrés Aloi et Inés María Barrionuevo. Avec Nina Dziembrowski, Adriana Ferrer, Carolina Rojas… 1h43
Sortie le 7 juin 2023