Si Le voyage d’Arlo ne fait pas forcément partie des films les plus mémorables de Pixar, il n’en reste pas moins une fable sincère sur l’obligation de devenir adulte pour survivre dans un monde hostile. Pour sa deuxième réalisation, Peter Sohn se plonge dans un nouvel univers coloré pour prôner la tolérance sur fond de romance à la Roméo & Juliette.
Un jeune couple de Flamboyant·es attendant un enfant débarque à Element City qui a été fondé par des Aquatiques, pour des Aquatiques. Bernie et Cinder doivent se battre quotidiennement pour se faire une place dans une société qui leur est hostile. Deux décennies plus tard, le couple s’est installé, a monté sa petite boutique et c’est au tour de leur fille Flam de prendre le relai. Mais cette dernière, sujette aux accès de colère, provoque une explosion qui engage la tuyauterie au sous-sol du magasin, provoquant une inondation et faisait apparaître Flack, un Aquatique un peu naïf et très émotif. Décidée à sauver le magasin de son père, Flam embarque Flack avec elle dans une aventure qui rapprochera nos deux héro·ïnes allant même jusqu’à briser les barrières physiques qui les empêchent de s’aimer.

Passage de flambeau
L’eau et le feu ne sont pas les éléments ls plus compatibles. Quoi de mieux que d’utiliser ce terreau fertile pour y développer une romance impossible qui ne sort malheureusement jamais des chemins tracés. Bien avant que le film ne commence, le/la spectateur·ice sait déjà où le long-métrage se dirige, ce qui n’est en soi pas désagréable. Ce qui est plus décevant, c’est de voir que Peter Sohn s’est tourné vers un film convenu là où Le voyage d’Arlo empruntait des routes plus étonnantes. Le canevas de base est respecté, tout roule comme sur des roulettes. Si Flam et Flack sont des personnages assez bien caractérisés avec un background classique mais qui fonctionne, ce sont les éléments aux alentours qui ne sont pas assez bien dessinés. La quasi absence de la terre et de l’air réduits à des arbustes et des nuages rend le récit incomplet, surtout lorsqu’on voit l’effort qui a été mis dans l’élaboration de la ville.
Le problème d’Élémentaire est bien plus profond puisqu’il repose sur un concept qui n’est pas censé s’adapter à un univers où les quatre éléments sont personnifiés. Les parents de Flam veulent à tout prix que leur fille s’amourache d’un autre Flamboyant pour perpétuer la lignée familiale et parce qu’il est juste inconcevable que des éléments se mélangent entre eux. Chacun reste de son côté et tout ira bien dans le meilleur des mondes. En faisant se rencontrer et s’aimer une Flamboyante et un Aquatique, les scénaristes Brenda Hsueh et John Hoberg veulent nous faire comprendre que l’amour est possible et que la mixité est nécessaire pour X raisons. Si ce raisonnement vieux comme le monde tient la route et se retrouve dans bon nombre de comédies romantiques, il ne peut s’appliquer aux quatre éléments puisque factuellement l’eau et le feu ne sont pas compatibles. Et même le meilleur physicien ne pourra pas mélanger les deux malgré une bonne dose d’amour et de petits coeurs vaillants.
Animation flamboyante
Élémentaire est saisissant dès les premières minutes. Sa scène d’introduction fait écho à la situation des immigrant·es qui, laissant souvent derrière elleux maison et famille, ont tenté de se créer un nouvel avenir à l’image des parents du réalisateur qui ont quitté la Corée du Sud pour New York dans les années 70. L’enjeu se dessine immédiatement sans qu’il n’y ait besoin de dialogue pour le comprendre puisqu’il est finalement assez simple : comment le feu peut-il s’accommoder avec l’eau lorsque chaque recoin de la ville est un danger potentiel pour elleux ? Les premières errances dans la ville n’est pas sans nous rappeler la foisonnance visuelle que nous offrait Zootopie. Tout est étudié dans les moindres détails que ce soit les infrastructures, les transports, les jeux de lumière, le fonctionnement de cette société, les interactions des éléments entre eux ainsi que les graphismes des personnages qui nous rappellent également les personnages de Vice-Versa. Chaque élément (eau, air, terre et feu) ont leurs caractéristiques physiques et visuelles bien précises avec un travail très intéressant avec les Flamboyant·es qui possèdent une texture différente, s’apparentant plus à des aplats de couleurs là où les Aquatiques, par exemple, sont en 3D.
Le film sait nous faire rêver quand il s’agit d’éblouir nos mirettes et de faire interagir les éléments pour y déployer une palette d’effets et de couleurs des plus chatoyantes. On aurait aimé que le film se permette autant de folie sur son fond. Quelque part entre Zootopie et Vice-Versa, Élémentaire souffre de la comparaison et ne trouve jamais totalement son ton. Une étincelle en demie teinte.
Élémentaire, de Peter Sohn. Écrit par Brenda Hsueh et John Hoberg. Avec les voix de Adèle Exarchopoulos, Leah Lewis, Vincent Lacoste… 1h42
Sortie le 21 juin 2023