Chaque fois qu’après avoir passé un bon moment devant une oeuvre, on exige une suite, on ouvre une boîte de Pandore, lieu de tous les possibles, mais surtout de toutes les déceptions. On entendait déjà les fanatiques d’À couteaux tirés chialer pour un second épisode alors qu’iels avaient à peine quitté la salle (à la rédaction, les murs tremblent encore des jérémiades de la cheffe qui exige son The man from U.N.C.L.E 2, identifiant presque la non-existence du projet comme un scandale d’état). La licence est-elle tellement devenue la norme que nous sommes incapables d’apprécier un film sans se projeter dans ses suites, quémander une uniformisation de ce qui fonctionne pour répéter les mêmes codes encore et encore, et surtout ne jamais sortir d’une zone de confort flemmarde ? Face à cette question rhétorique, revenons à notre boîte de Pandore. Le constat fait ci-dessus n’a rien de nouveau, tant les diverses industries cinématographiques ont capitalisé dès l’aube du Septième Art sur la persuasion – souvent à raison – que le grand public veut consommer du produit facile et agréable, qui ne le stimule que peu. Mais dans cette brèche où l’art n’est plus qu’un mot rarement magnifié, Disney tient quand même la palme des malfaisances, ayant choisi non pas que d’abreuver son public de suites à toute production ayant eu un jour du succès, mais surtout, de ne faire plus que ça.
Le retour de Mary Poppins, l’annonce d’un Sister Act 3 dans les tuyaux, le mot d’ordre des exécutifs du studio aux grandes oreilles est simple : on parcourt l’entièreté du catalogue, on vérifie qui est en vie, et on ressort un casting à en faire pâlir les nostalgiques du placard, persuadé – à raison ? – que la simple vue des idoles d’un temps suffit à pallier la qualité dudit film. Qui aurait parié que trente ans plus tard – un écart encore faible face à celui de Claude Lelouch pour Un homme et une femme –, les soeurs Sanderson seraient de retour pour un tour de piste ? Pas nous, ni Anne Fletcher, qui pour mettre en scène un script doté d’un cahier des charges bien épais, s’est contentée d’un minimum syndical bien peu engagé. Comme Kenny Ortega alors, la réalisatrice compte sur l’énergie, toujours au rendez-vous, d’une Bette Midler investie. Une bien maigre compensation face aux manquements à tous autres niveaux.

Du trio d’adolescentes semblant sorti de The craft, on ressent la pêche d’écriture qui anime tous les personnages rencontrés. Toutes trois sont régies par des stéréotypes bien évidents, ne brillent jamais par la partition qui leur incombe, ne servant qu’à être des vaisseaux qui font avancer l’histoire, sans jamais être caractérisées, et avoir des enjeux propres – au-delà d’un minima fonctionnel. Peu de relief à l’instar de ce qui sert la nostalgie, tant les retrouvailles avec cet univers apprécié ne fait qu’en ressusciter les effets, n’offrant ni plus ni moins qu’Hocus pocus premier du nom. Les sœurs Sanderson débarquent suite à une invocation malencontreuse, cherchent à obtenir les pleins pouvoirs pour régner sur la ville, les étapes de ce plan nécessitant d’interagir avec des personnages du premier film ou leurs descendant·es, elles se font renvoyer dans l’au-delà, fin. On reprend la proposition humoristique du décalage des époques – les sorcières d’antan identifiant Alexa comme une boîte dans laquelle une âme est enfermée, rare moment faisant sourire – sans jamais vraiment l’exploiter, et en débilisant les esprits au possible. En plus d’être décalées, les soeurs Sanderson sont complètement stupides, un élément déjà démontré en 1993 – à ceci près qu’elles étaient surtout perdues et naïves, mais bien dangereuses – et ne représentent plus le moindre antagoniste pour la ville de Salem. Dès leur introduction, il est évident que leur plan va échouer, et jamais le doute ne s’installe, nous donnant presque l’impression que leur dessein est déjoué pour la forme, tant il n’aurait aucune incidence. Une tare que l’on pourrait oublier si le freak show loufoque était de la partie, mais son inexistence ici peine à susciter le moindre intérêt face à ce qui est proposé. Revoir Doug Jones, grimé comme jamais, refaire les mêmes blagues en cadavre exigeant qu’on l’élimine définitivement ne nous esquisse pas le moindre soubresaut, malgré la sympathie sans égal du bonhomme. Cela dit, il existe plus que Sarah Jessica Parker et Kathy Najimy, qui n’ont droit qu’à une demi scène d’indépendance chacune, rares moments d’espoirs de voir des personnages esquissés et traités différemment.
Comme il est précisé plus haut, l’idée est de coller au premier Hocus Pocus et de nous offrir un Bette Midler show, cette fois-ci version émission de télé du samedi soir. S’il est sympathique de voir la chanteuse se démener avec une énergie folle sur One way or another de Blondie, entraînant toute une fête foraine dans son délire, l’impression d’assister au spectacle de fin de journée de Disney Resort – avec une caméra plus occupée à faire une captation de l’événement qu’à dialoguer avec nous – domine. Un passage musical néanmoins appréciable, qui fonctionne, à l’instar du plaisir entendu lors de la réécriture de The bitch is back, intitulé The witches are back, que les sœurs entonnent avec entrain. Peut-être parce que le titre d’Elton John est intrinsèquement exceptionnel ?

Finalement, peu de mots sur Hocus Pocus 2, si ce n’est pour relever de sa proximité bien trop évidente avec le premier volet, l’empêchant d’avoir la moindre once d’originalité. C’est bien là qu’est l’hypocrisie à pointer : après des suites à la qualité souvent déplorable, le cynisme de Disney passe un nouveau cap, celui de planquer derrière ce fameux “2” un simple remake déguisé. Remake initialement refusé par Bette Midler, qui souhaitait rempiler le balai pour un nouveau tour, sans se soucier de l’intérêt de ce même nouveau tour. Complicité multiple lorsqu’Adam Shankman, premièrement pressenti pour la réalisation, a laissé sa place à Anne Fletcher pour aller s’occuper…d’Il était une fois 2. On l’a vu, et ça ne vaut pas mieux. Pour résumer, quand ce ne sera pas une connerie autour de Star Wars (avec de temps en temps un truc sympa, donc), Marvel (de la saloperie en boucle, donc), ou une adaptation live-action d’un film d’animation qu’on a déjà vu en mieux, on bouffera des remakes déguisés, tout en continuant à prétendre adorer Disney, ce studio qui n’en glande pas une depuis dix ans mais qui ne s’en porte que mieux. Chouette programme !
Hocus Pocus 2, d’Anne Fletcher. Écrit par Jen d’Angelo. Avec Bette Midler, Sarah Jessica Parker, Kathy Najimy…1h43
Sorti le 30 septembre 2022 sur Disney+