Second rôle au début des années 90, Donnie Yen devient à partir du début des années 2000 une nouvelle star mondiale du cinéma d’arts martiaux, rejoignant des légendes telles que Jackie Chan, Sammo Hung, ou encore Jet Li. Le rapprochement est tel qu’avec la saga Ip Man, l’acteur incarne une figure historique des arts martiaux traditionnels à la manière de Jet Li dans le costume de Wong Fei-Hung dans la saga Il était une fois en Chine (Donnie Yen incarne d’ailleurs l’antagoniste du deuxième volet). Alors que les légendes des années 80 et 90 lèvent le pied depuis plusieurs années, Donnie Yen est quant à lui plus actif que jamais, alternant productions hollywoodiennes (Rogue One: A Star Wars Story, Mulan ou John Wick : Chapitre 4) et blockbusters co-produits entre Hong Kong et la Chine, au point de devenir le véritable pont entre l’ancienne industrie de Hong Kong et la récente industrie chinoise. L’acteur revient surtout derrière la caméra pour la première fois depuis 2002 avec Sakra : la légende des demi-dieux.
L’histoire se déroule au Royaume de Chine, au cours du Xe siècle. Deux clans ennemis s’affrontent : les Song, une dynastie royale, et les Khitan, un peuple nomade guerrier. Qiao Feng (Donnie Yen), recueilli bébé par le clan Song est un maître en arts martiaux, et un chevalier respecté. Accusé à tort d’avoir tué un chef de son propre clan, Qiao Feng est banni. Il se lance dans une quête pour prouver son innocence. Sakra est adapté du roman Demi-dieux et semi-démons de l’auteur Jin Yong, écrit en 1963, soit au début de la période faste de la Shaw Brothers. Le rapprochement avec le mythique studio n’est pas innocent puisque le roman – ainsi que le film – est un Wu Xia Pian, probablement le genre qui a défini le cinéma de Hong Kong de l’époque (au même titre que le Western a défini le cinéma américain), et que Shaw Brothers est identifié comme le grand studio du Wu Xia Pian. Par la présence de demi-dieux (que l’on retrouve dans le titre français) et d’affrontements à coups de pouvoirs magiques, Sakra se situe dans le sous-genre du Wu Xia Pian Fantasy, où l’on retrouve Zu, les guerriers de la montagne magique, Bride with White Hair, ou encore les Bastard Swordsman.
Avec Sakra, Donnie Yen revient à une forme de clacissisme d’un genre qui se fourvoie depuis plusieurs années dans un déluge d’effets numériques ratés, et oublie ce qui fait son essence. Une histoire simple, des personnages codés, un récit emprunt de philosophie, et surtout un véritable travail sur les combats mêlant réalisme via de véritables techniques martiales, et une forme de fantasy par des personnages qui s’envolent et utilisent des pouvoirs. Une forme de retour aux sources doublée d’une simplicité rafraîchissante qui tient sa source dans la volonté de Donnie Yen de renouer avec une certaine tradition. D’où le choix d’adapter l’auteur Jin Yong, l’un des plus populaires du genre en Chine. Ses récits sont notamment caractérisés par une multitude de personnages, situations et intrigues, rendant le travail d’adaptation difficile. C’est d’ailleurs là que Sakra perd son spectateur. Trop de personnages, trop de rebondissements, trop d’intrigues. L’ensemble finit par nuire au rythme d’un film qui ne parvient pas à gérer ses ruptures de tempo, laissant un creux en plein milieu.
Le film se rattrape néanmoins sans son sens du spectacle, synthèse entre le cinéma de l’âge d’or de Hong Kong et le blockbuster chinois actuel. Les moyens ont été mis à l’écran pour rendre les combats spectaculaires et en mettre plein la vue, notamment grâce à de superbes décors, aussi bien naturels que de studio. En s’associant avec ses collaborateurs de longue date Kenji Tanigaki et Yan Hua (dont la collaboration remonte à respectivement Blade 2 et SPL), Donnie Yen livre des combats spectaculaires et jouissifs, entre chorégraphie de l’action dynamique et inventive et incrustation d’éléments de fantasy dans les combats. Les coups font mal, les combats sont brutaux, et le film se laisse aller à des éclats de violence surprenants. Filmés sans génie mais de manière toujours lisible et dynamique, les affrontements montrent que le savoir-faire issu de l’époque de Hong Kong est toujours vivace, et renvoie sans problème à la cour d’école la grande majorité de la concurrence hollywoodienne.
Pour donner corps à ce spectacle détonnant, Donnie Yen s’entoure d’une équipe technique expérimentée dans le grand spectacle. On y retrouve Chan Chi-Ying, directeur de la photographie de Détective Dee : Le mystère de la flamme fantôme, Li Ka-Wing au montage, qui a déjà collaboré avec Donnie Yen et le producteur Wong Jing sur Chasing the Dragon, ou encore Kam Ka-Wai, assistant réalisateur de Wilson Yip sur la saga Ip Man, qui épaule Donnie Yen à la réalisation. Le cinéma de Wilson Yip n’est jamais très loin, et Sakra marche sur ses traces par sa facture léchée et sa volonté de donner un grand spectacle. Ça ne fait pas du film de Donnie Yen un classique du genre, mais Sakra est à coup sûr l’un des blockbusters les plus funs et les plus spectaculaires de l’année. La sortie en salles du film est une belle occasion de découvrir ce spectacle dans les meilleures conditions.
Sakra : la légende des demi-dieux, réalisé par Donnie Yen. Écrit par Sheng Lingzhi, Zhu Wei, He Ben, Chen Li, Shen Lejing et Xu Yifan. Avec Donnie Yen, Chen Yugi, Cya Liu… 2h10
Sortie en salles le 10 Mai 2023.