Petite devinette : Que se passe-t-il lorsqu’un homme blanc cisgenre s’attelle à raconter une histoire d’amour entre deux femmes ? Des fois ça passe, souvent ça casse. Pour Alexis Michalik et son Une histoire d’amour, nous sommes sur la deuxième option. Déception encore plus grande lorsqu’on sait de quoi il est capable dans les pièces de théâtre qui lui ont valu de nombreux Molière, ou lors de son premier passage à la caméra avec Edmond en 2018, qui trouve son ton entre mise en scène, humour et délicatesse. Tout l’inverse ici.
Katia rencontre Justine lors du déménagement de son frère William, célèbre écrivain en pleine procédure de divorce. Peu de temps après, elles se marient. Malgré la peur de l’engagement et du regard des autres, elles décident de faire un enfant. Elles se feront inséminer toutes deux et c’est le destin qui choisit qui portera l’enfant. Katia tombe enceinte et le couple commence à dépérir à tel point que Justine la quitte pour un homme dont elle est tombée amoureuse.

Acte I : On se fait pas chier
Les bons sentiments, le mélodramatique et le pathos se sont donnés rendez-vous. Pire, on sent pertinemment que Michalik n’en a que faire de ses deux personnages féminins, résumant la première partie du film à : de la baise. Et de la baise un peu partout dans l’appartement, filmée sans aucune pudeur, se concentrant sur les orgasmes très bruyants des deux jeunes femmes – réduites à deux morceaux de chair, entrecoupés de dialogues peu inspirés. Le coup de foudre entre Katia et Justine ne se ressent jamais à l’écran, nous empêchant de nous attacher à ces deux personnages.
Acte II : On soupire fort
Le récit se fait plus intéressant dès qu’il s’attarde sur William, écrivain maudit entre divorce houleux et deuil insurmontable l’entrainant dans les méandres de l’alcoolisme. Là où il s’offre une partition mineure dans Edmond, Michalik a décidé qu’il prendrait ici toute la place en se donnant le beau rôle. Si la caméra n’en a que faire des deux femmes, elle semble très amoureuse de lui avec de longs plans sur son visage décortiquant toutes ses émotions d’homme brisé. Ses malheurs sont réels, ses dialogues profonds, à croire qu’il est la personne la plus à plaindre dans cette histoire alors que sa sœur est en train de crever d’un cancer. Comble de l’histoire, il s’offre même le beau rôle en se repentant et en devenant le sauveur de sa nièce. Tout est beau et rose mais on oublie pas qu’il faut faire pleurer dans les chaumières. Retournements de situation de plus en plus dramatiques, orchestre symphonique à n’importe quelle occasion, ralentis et flashbacks foireux qui viennent appuyer un propos déjà amené au tractopelle.
Acte III : On prie pour que ça se termine rapidement
De multiples thématiques actuelles auraient pu être abordées et approfondies à travers le couple formé par Katia et Justine : l’homosexualité – ainsi que la bisexualité -, le regard des autres et le désir d’enfant dans une société qui peine toujours à accepter l’homoparentalité. La dernière partie aurait également pu trouver son équilibre entre un frère en pleine rédemption, une mère qui se sait mourante, des retrouvailles avec la mère de sa fille qui aurait pu remettre les pendules à l’heure et surtout une adolescente sur le point de perdre sa mère. Ce trop plein de thématiques tout juste effleurées pâtit – le film dépeint presque une saga familiale en seulement 1h30 -, coupant régulièrement son rythme pour finalement n’être qu’une succession de plans et de scènes sans saveur ni enjeux.
Incompréhension totale pour ce nouveau film d’Alexis Michalik après le succès critique de sa pièce de théâtre, ici son adaptation cinématographique ne réussit jamais à trouver son ton, préférant nous émouvoir aux forceps au lieu d’amener son récit de manière plus intelligente. Une histoire d’amour mais surtout d’ennui en plus d’être plutôt une histoire de la vie de merde d’un écrivain alcoolique.
Une histoire d’amour d’Alexis Michalik. Avec Juliette Delacroix, Marica Soyer, Alexis Michalik… 1h30
Sortie le 12 avril 2023