Ti West a déjà réussi à nous séduire et à titiller notre curiosité avec X, slasher qui s’approprie le sujet de l’industrie pornographique et la libération de la femme. Un film qui s’approprie les codes des films d’horreur des années 70 et qui offre à Mia Goth un rôle excentrique et saignant à souhait. Dans sa volonté d’offrir une trilogie à l’actrice, il nous propose Pearl, qui se passe bien des années avant.
Nous voilà plongé·es en 1918 au cœur de la ferme – décor de X – où Pearl vit avec sa mère autoritaire et son père invalide en attendant le retour de son mari parti au front. Pendant qu’elle s’adonne aux tâches quotidiennes, Pearl rêve secrètement d’être une star du cinéma et de danser sur grand écran. Un rêve que sa mère n’hésite pas à briser au premier instant venu. Il y a finalement très peu d’enjeux pour un film qui s’apparente plus à une bombe à retardement et qui tourne autour des confrontations de Pearl avec sa mère Ruth, des bavardages avec sa belle-sœur Mitzi, des bains inconfortables avec son père et des escapades occasionnelles non autorisées au cinéma de la ville dirigé par un homme prénommé “Le projectionniste”. La patience de Pearl avec tout ce beau monde s’amenuise jusqu’à ce que toute sa frustration éclate et fasse des victimes.

Born to die
Le long-métrage de Ti West existe et vit grâce à Mia Goth. Son visage angélique et juvénile obligé de subir le courroux de sa mère nous emporte par sa douceur et sa tristesse. Mieux, on s’attache encore plus à elle lorsque sa folie meurtrière emporte tout sur son passage. Si ses premiers meurtres ne concernent que de petits animaux, la tension monte à mesure que tou·tes celleux qui se mettent en travers de son chemin finissent en chair à pâtée. Ce déferlement de violence contraste avec le film qui irradie de couleurs saturées qui ne sont pas sans nous rappeler Le magicien d’Oz, la référence allant même jusqu’à un épouvantail croisant la route de Pearl. Si les rêves et aspirations de la jeune femme sont édulcorés au possible, ils contrastent avec une mentalité en noir et blanc qui ne laisse aucune place à l’erreur.
Pearl est une fascinante exploration de la pourriture qui se dissimule. Le désir ardent de la jeune femme de s’émanciper et de s’enfuir finissent par avoir raison de sa santé mentale, à moins que cette folie ait toujours été présente. En fin de compte, peu importent les efforts déployés pour réprimer cette instabilité grandissante, celle-ci parvient toujours à remonter à la surface. Cependant, bien que la violence soit saisissante dans le dernier tiers de l’arc narratif de Pearl, c’est la performance marquante de Goth, son visage écarlate strié de larmes, qui finalement capte l’attention.

Horrifiquement féministe
Contrairement à X, Ti West prend son temps d’une manière presque malsaine. Le rythme lancinant réussit à nous mettre mal à l’aise, nous mettant ainsi sur une corde raide sans jamais savoir à quel moment elle va rompre. Le premier acte a de quoi perturber tant il se passe peu de choses excitantes mais ce n’est que pour mieux installer ses pions et faire grandir la tension parallèlement à la colère grandissante de Pearl. Si les couleurs vives caressent notre œil au départ, ce sont les images de corps ensanglantés et de cochon en train de pourrir qui viennent nous assommer avant de nous emmener dans une valse sanglante dans laquelle nous nous laissons guider volontiers.
Sans sortir les gros sabots, Pearl raccroche les wagons avec sa “suite” en abordant de nouveau la pornographie mais en la recontextualisant au début des années 20. L’interdit est omniprésent, expliquant la fascination de Pearl pour les prouesses sexuelles des jeunes dans X. C’est ainsi que les portraits de Maxine et Pearl se rejoignent et se répondent. Finalement, la trilogie de Ti West est un large portrait féministe et sans peur face à une société qui tente de contenir ces femmes dans des cases trop étroites pour leurs ambitions.
Si on a déjà hâte de voir le dernier morceau de cette trilogie sanglante, Ti West et Mia Goth signent avec Pearl un film tout aussi efficace que son prédécesseur, s’inscrivant dans la lignée féministe qui faisait déjà la saveur de X tout en démontrant un vrai talent pour conter des histoires en jouant sur plusieurs tableaux passant du cracra au Technicolor avec une facilité déconcertante.
Pearl réalisé par Ti West. Écrit par Mia Goth et Ti West. Avec Mia Goth, David Corenswet, Tandi Wright…1h43
Sortie le 16 août 2023 en VOD