“Le film aborde un sujet compliqué et si jamais vous avez besoin, deux psychologues vous attendront à l’extérieur pour que vous puissiez leur parler.” Le film n’a même pas encore été projeté que sa réalisatrice présente à Deauville pour l’occasion allume les panneaux warning qui entourent le film. Ce film c’est son histoire, celui d’une enfant abusée sexuellement à l’âge de treize ans par son entraîneur de course.
Et pour donner vie à cette véritable introspection, la réalisatrice a fait appel à un des plus grands noms du cinéma aka Laura Dern qui prête ses traits à Jennifer alias Jenny pour les plus intimes. Désormais documentariste accomplie, Jennifer reçoit un jour des appels incessants de sa mère qui a retrouvé une rédaction qu’elle avait réalisé pour son école lorsqu’elle avait treize ans. Des écrits qui semblent bouleverser sa mère au point de les lui envoyer. Sans comprendre ce qu’il y a d’aussi terrifiant dans ces écrits, Jennifer qui reçoit ces dizaines de pages se met à les lire et replonge dans ses souvenirs d’enfance, ceux qui se sont déroulés chez Mrs. G lors d’un camp de vacances d’été alors que Jenny y prenait des cours d’équitation et où elle y a rencontré Bill qui est alors devenu son petit-ami. Seule ombre au tableau dans tout ça : Bill était bien plus âgé que Jenny et a abusé d’elle sexuellement.
Commence alors un véritable travail de documentaliste pour y déceler le vrai du faux, les mensonges qu’on lui a raconté mais aussi les mensonges qu’elle s’est elle-même racontée pour se protéger. À travers de faux entretiens que Jennifer s’imagine, elle essaie de répondre petit à petit à ses questions et à y voir plus clair alors que certains souvenirs étaient encore refoulés jusque là. La réalisatrice met en lumière comment un pervers manipulateur réussit à venir à ses fins mais également comment une enfance déjà bancale – Jenny fait partie d’une famille de cinq enfants et se sent invisible auprès de ses parents – réussit à influer sur des décisions alors qu’elle voyait en Mrs. G et Bill des parents de substitution.
Petit à petit les écrits de Jenny prennent vie et se modifient au fur et à mesure. D’abord grande et blonde – selon ses souvenirs -, la Jenny de treize ans devient une petite fille timide lorsque sa mère lui montre des photos d’elle. Nombreux détails de sa rédaction vont s’avérer erronés non pas parce qu’elle s’est trompée mais pour simplement enjoliver ce qui lui est arrivé. D’ailleurs durant une grande partie du film Jennifer continue de vivre dans le déni que ce soit face à sa mère ou son fiancé qui lui dit de but en blanc : “Ceci est un viol”, la documentaliste reste encore persuadée que ceci était une relation. “Je ne suis pas une victime” rétorque Jenny enfant face à la Jenny adulte, elle en est une désormais.
Pour une première réalisation, “The Tale” jouit d’un casting cinq étoiles que ce soit Laura Dern qui voit sa carapace se fissurer petit à petit, la jeune Isabelle Nélisse absolument phénoménale au visage angélique et à la fragilité apparente ou encore la sulfureuse slash mystérieuse slash hypnotisante Elizabeth Debicki prêtant ses traits à cette manipulatrice – au même titre que Bill interprété par Jason Ritter -. Et même si le manque absolu de mise en scène rend le film un poil plus faiblard, Jennifer Cox compense largement par un propos choc et n’hésite pas à montrer ce qu’il y a de plus dérangeant, ce qu’on refuse de voir et qui existe pourtant bel et bien. Evoquer les abus sexuels sur mineurs c’est bien, montrer les images face au public sans possibilité d’échappatoire pour lui c’est dérangeant, quasiment insoutenable mais a de quoi créer l’électrochoc nécessaire.
Distribué par OCS dès le 8 septembre prochain, “The Tale” est profondément bouleversant dans son propos, dévastateur mais probablement – voire certainement – nécessaire pour aider sa réalisatrice à panser ses blessures et peut-être en aider bien d’autres.
The Tale de Jennifer Cox. Avec Laura Dern, Elizabeth Debicki, Isabelle Nélisse… 1h54
Disponible sur OCS dès le 8 septembre