Ce qui était l’une des plus grosses attentes de ce Festival s’est avéré être l’une des plus grosses déceptions, et pourtant Dieu sait qu’on y allait de bon coeur et qu’on y croyait à ce film. Avec un sujet plus que jamais d’actualité, Reinaldo Marcus Green s’attarde sur les destins croisés de trois hommes : un jeune père de famille qui a filmé le décès de son ami Big D alors qu’il se faisait arrêter par des policiers, un policier afro-américain qui travaille avec celui soupçonné d’avoir assassiné Big D et un adolescent en passe de signer dans une équipe de baseball. Chacun d’entre eux sont touchés de manière directe ou non par cette tragédie alors que deux choix s’offrent à eux : se taire pour survivre ou élever la voix pour réparer cette injustice.
Le film s’ouvre sur ce qui pourrait apparaître comme une routine : Dennis Williams se fait arrêter au volant de sa voiture pour un contrôle des papiers. Il est noir, le policier est blanc. Sauf que le bonhomme est de la maison, peu importe Dennis en est à son sixième contrôle routier alors que nous sommes en juin. Combien de fois s’est fait contrôler sa co-équipière ? Aucune.
Dans la soirée, Many est témoin de l’arrestation musclée de son ami Darius Larson aka Big D. Seul contre six policiers, Many filme toute la scène alors qu’un coup de feu retentit. Témoin d’une bavure policière, ce dernier met en ligne la vidéo. Un vent de protestation naît alors que Many se fait arrêter et que le jeune Zyrich prend conscience de l’ampleur du problème et qu’il se décide à s’engager aux côtés d’une amie qui prépare une manifestation. À travers ces trois destins d’afro-américains, le réalisateur pointe du doigt une société où l’afro-américain n’est toujours pas l’égal de l’Américain caucasien que ce soit dans le monde civil qu’au sein d’instances plus importantes et où les violences policières contre les jeunes noir·e·s. En 2017, 23% des personnes tuées par des agents de police étaient noires alors qu’elles ne représentent que 6% de la population. Une disproportion qui semble encore plus d’actualité sous le gouvernement Trump.
Alors qu’il est actuellement à l’affiche du formidable “BlacKkKlansman”, John David Washington nous prouve une nouvelle fois son engagement en incarnant ce policier tiraillé entre son statut moral envers ses co-équipiers alors qu’un des policiers est soumis à une enquête fédérale et ses propres convictions en tant qu’afro-américain. Un rôle aussi profond que complexe qui aurait pu être l’arc principal du film mais qui se perd finalement avec les deux autres personnages principaux dans un film qui manque terriblement de cohérence et de liant alors qu’il avait clairement tout pour être un véritable film coup de poing. Gagnant en intensité de temps à autre notamment dans cette formidable scène de la manifestation qui a réussit à nous hérisser le poil, le film en perd tout aussi rapidement lorsque les scènes s’enchaînent sans fil rouge jusqu’à sa fin qui – pour le coup – nous laisse véritablement sur notre faim. Il n’empêche que les prestations d’Anthony Ramos – qu’on retrouvera prochainement dans “A Star is born” et “Godzilla : King of the monsters” – et de Kelvin Harrison Jr – aperçu dans “It Comes at night” sont à saluer tant par leur prestation impeccable que par les tripes qu’ils ont mis.
“Monsters and men” avait tout du film qu’on attendait tous au vu de la bande-annonce prêt à dénoncer les abus policiers envers les afro-américains mais le film souffre d’un sérieux manque de rythme et de cohérence malgré des personnages intéressants – mais absolument sous-exploités – alors qu’on a plus que jamais besoin d’entendre leurs voix. Reinaldo Marcus Green nous offre un film extrêmement sincère et engagé et rien que pour ça on peut l’en remercier.
Monsters and men de Reinaldo Marcus Green. Avec John David Washgton, Anthony Ramos, Kelvin Harrison Jr… 1h35
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