Le cinéma est l’art le plus juste pour saisir une époque par la force des images, par son montage ainsi que par son accessibilité et son art de la métamorphose. Il est possible aujourd’hui d’observer une certaine convergence, celle des films post-apocalypse artsy qui proposent une lecture beaucoup moins divertissante et beaucoup plus pertinente que les films à gros budget sur la même thématique. Récemment est sorti le film Light of my life de Casey Affleck, dans la même veine que Last Words de Jonathan Nassiter. Une impression se dégage de cette tendance actuelle, la fin du monde semble de plus en plus proche pour l’humanité, ce n’est plus une mauvaise blague mais bien une peur concrète. Le silence de ces films nous dit que nous, les Hommes, sommes prêt à faire notre deuil à l’avance.
Jonathan Nassiter nous sort une oeuvre grandiose, d’une beauté foudroyante et d’une importance capitale. Il nous dépeint avec une précision phénoménale une humanité vouée à l’extinction. 2085, ce n’est pas si loin. La mélancolie est alors plus forte, et donne à cette oeuvre une force politique majeure. Entre la maladie et le dérèglement climatique, Last Words semble être le dernier avertissement. Le réalisateur nous ponce avec une habilité prodigieuse un poème où une réalité poétique nous émeut et nous décoche une soudaine remise en question.

Nous suivons celui qui va être le dernier homme sur terre. Il traverse la France pour essayer de trouver les derniers survivants de l’humanité. Au départ avec sa sœur, il la voit mourir devant ses yeux face à des jeunes devenus fous. On suit alors la suite de son exil, où la vie est en berne dans les décombres d’une ancienne civilisation. Il ne s’agit pas de trop montrer la fin du monde, mais d’être toujours dans la subtilité du symbole. Le décor est toujours terne pour nous montrer les couleurs comme signes d’espoirs : le vert des champs laissant présager que les terres peuvent à nouveau accueillir la nature. Le film nous laisse le contempler, le rythme du voyage du personnage principal, de ses rencontres avec Shakespeare, puis avec les survivants à Athènes.
le film de l’humanité
C’est un film sur le Cinéma. La sœur du dernier humain de l’humanité trouve une boite avec des pellicules, en récupère un morceau pour s’en faire un bracelet, comme un artefact d’une chose disparue. À l’aide d’un vélo qui alimente un projecteur, le personnage principal devient l’initiateur, le maître du voyageur. L’oeuvre devient alors un récit d’initiation, où ils vont essayer de bricoler une caméra pour à nouveau filmer. Très vite tout devient multiple et fragmentaire, les moments filmés intégrés à la diégèse et donnant une dimension universelle à l’oeuvre. Quand Shakespeare et l’homme sans nom vont à Athènes, ils découvrent un substitut de civilisation. Le cinéma va alors devenir un témoin et le modèle pour une humanité perdue. Revoir les simulacres de l’amour, de l’humour, de l’amitié et des mœurs donnent à ces fragments de film une valeur historique. Elle met alors en exergue l’âge de l’humanité, elle qui se perd et devient sénile. Immortaliser ce qui reste de la vie, la naissance, le sexe, les affects, est un moyen de se rassurer et de se dire qu’il y a toujours un espoir.
Last Words est une oeuvre immense. Son extraordinaire casting, Stellan Skarsgård, Charlotte Rampling et Nick Nolte donnent à cette fin du monde une gravité démesurée. Son acteur Kalipha Touray est quant à lui magnétique et donne à son personnage une certaine universalité.
Last Words de Jonathan Nossiter. Avec Nick Nolte, Charlotte Rampling, Stellan Skarsgård… 2h06
Sortie le 21 octobre 2020
Perso, je suis tout à fait d’accord aussi sur cette analyse du film de J Nossiter, on pouvait viser même la Palme à Cannes…grande maitrise du réalisateur ici.