Mary Elizabeth Winstead qui casse des bouches dans ce qui semble être un film d’action mêlé de kung-fu et de yakuzas en tous genres, ça donne envie, non ? C’est sans oublier que Kate est estampillé Netflix, comme un vieille promesse que tout ce qui est attendu sera piétiné et aseptisé.
L’anti-spectaculaire du montage de Kate, qui n’a pas l’air de se soucier de l’espace dans lequel évoluent les combats, est à l’image de cette poursuite en bagnole qui survient dès les premières minutes du métrage : artificiel et mal branlé. Sur la toile de projection, on hurle de terreur face à ce Fast and Furious du pauvre, aux bagnoles entièrement numérisées, et on se dit que les adeptes de la p’tite télé n’auront peut-être pas les yeux qui piquent autant, même s’iels ont probablement tou·te·s déjà vu une cinématique de PS2 dans les mêmes conditions. Heureusement pour nous, même si on a commencé sur ce point difficile à ne pas évoquer tant il crame la rétine, Kate n’est pas un film de bagnoles. D’ailleurs, de quoi ça parle ? L’héroïne dont le film porte le nom est une tueuse à gages, sans foi ni loi la majorité du temps, mais élevée selon des principes qu’elle essaie de tenir. Alors qu’elle assassine un nouveau membre de la mafia japonaise, elle se retrouve face à l’un de ses adages, qu’elle est contrainte d’enfreindre : elle éclate la cervelle du pauvre homme sous les yeux de sa gosse. En pleine remise en question, et déterminée à arrêter ce métier à risques une fois sa mission actuelle terminée, une nouvelle tuile : elle se réveille empoisonnée, condamnée à moins d’une journée avant trépas, mais déterminer à découvrir l’enfoiré·e qui lui a fait ça avant qu’elle ne clamse. Les grands méchants aurait dû réfléchir avant d’offrir un dernier souffle à celle qu’ils veulent juste voir morte, va y’avoir de l’hémoglobine ce soir.

Du sanguinolent, il y en a. Encore heureux d’ailleurs, puisque ce sont les rares scènes, graphiques, iconisées par la caméra, qui permettent de sourire au milieu d’un ennui certain, et de scènes d’action qui ne parviennent jamais à être intéressantes, soit par leur manque de volume chorégraphique, soit par leur visibilité peu aidée par la mise en scène, quelconque et ne sachant jamais trop que faire. Kate passe d’étape en étape, passe les niveaux de sa mission avec une nouvelle difficulté à chacune d’elle, se retrouve affublée d’une nouvelle blessure, d’un nouveau boulet – la gosse, censée représenter un side-kick que l’on aime détester, mais qui n’apporte aucune plus-value –, laissant à penser qu’elle ne terminera jamais sa quête à temps. On dévoile peu à peu la conspiration qui l’entoure, les faux-ennemis, les faux-amis, et on expédie le tout dans un climax à peine satisfaisant, tentant de contraster avec le foutraque du métrage pour jouer sur la dualité, l’affrontement sentimental, qui malheureusement ne fonctionne pas. Dans sa volonté de jouer avec un côté crade, ordurier dans le ton, on lui préfère Hyper Tension, qui joue aussi sur l’urgence vitale mais se permet tous les excès, certes jusqu’à la dégueule, mais qui procure un sentiment d’aboutissement, ici à peine effleuré. Pourtant, on se dit, au sortir du visionnage, que pour un film Netflix, ça passe, et que comparé aux productions habituelles de la plateforme, au moins, on s’amuse un peu. Et si c’était ça, le problème ?
À ne constamment rien exiger de la SVOD, et à constamment se dire “Pour du Netflix, ce n’est pas si mal”, on donne une excuse à ces géants de l’entertainment bas de gamme pour continuer à produire du sous-métrage en masse, puisque quand ce n’est pas médiocre, on hurlerait que c’est bon. Après tout, puisqu’on base nos exigences sur leurs “standards” imposés, pourquoi en feraient-ils plus ? À la manière d’un blockbuster que l’on qualifie facilement de chef-d’œuvre sous couvert que c’est un peu mieux que le précédent – deux exemples que l’on ne nommera pas se sont glissés cette année, à vous de les retrouver – le nivellement par le bas a bien opéré ses sévices. Par un abrutissement à coup de films sortant constamment sur son flux, Netflix et ses confrères ont endormi l’esprit critique, et on se retrouve à se dire qu’un truc comme Kate, aussi inintéressant et oubliable soit-il – on en reparlerait bien dans un mois mais il sera oublié dans deux semaines, quand suffisamment d’autres films tout aussi insipides seront sortis pour appâter le chaland – mérite une avant-première en salles et une présentation en festival. Un triste constat et un coup de gueule dans le vide plus tard, revenons au film.
Le seul atout de Kate, jamais mis en valeur, reste Mary Elizabeth Winstead. Impliquée, l’actrice semble vouloir continuer à faire ses preuves dans l’actioner bas du front, et a les épaules pour. Donnez-lui le métrage qu’elle mérite, avec des compagnons de jeu digne de ce nom – et pas un Woody Harrelson émerveillé de n’avoir rien à faire, probablement la même partition qu’il aura pour Venom –, avec une ambition prononcée, et pas juste l’envie de remplir une grille des programmes pour maintenir un abonnement. Aussi inutile que le fait d’en parler, le film s’oublie, jusqu’au prochain.
Kate, de Cédric Nicolas-Troyan. Avec Mary Elisabeth Winstead, Woody Harrelson, Jun Kunimura… 1h46
Sorti le 10 septembre 2021 sur Netflix