La semaine dernière les maïeuticien·nes à travers le pays se mettaient en grève suite à un constat aussi navrant qu’inquiétant : de moins en moins de lits, de moyens et toujours plus de femmes sur le point d’accoucher alors que les conditions ne leur permettent pas d’exercer correctement. C’est le bon moment pour Aude Pépin, journaliste, de nous offrir À la vie, un documentaire qui nous rappelle à quel point ce métier est important et à préserver.
Chantal Birman est une figure connue dans le monde des sages-femmes. À presque 70 ans, cette femme continue ses combats féministes et à défendre leurs droits tout en continuant à rendre visite à domicile à celles qui viennent d’accoucher. Plus qu’une simple aide médicale, c’est une voix, une épaule sur laquelle se reposer le temps d’un instant pour pouvoir pleurer et parler de ses doutes dans un système hospitalier où la patiente est considérée comme une marchandise dont il faut vite se débarrasser pour s’occuper des suivantes. Pendant 1h18, nous voilà aux côtés de Chantal dans ses rondes, près de cette femme qui force le respect à chaque instant. Alors qu’elle pourrait profiter de sa retraite, elle continue de se rendre chez ses patientes, la plupart du temps dans des cités, à monter plusieurs étages à pied – et à bout de souffle – avec sa valise contenant tout le nécessaire médical. Elle ne se plaint jamais, sourit toujours, passe du temps avec ces jeunes mères.
Mais ce qui frappe le plus avec ce documentaire c’est ce nouvel aspect qu’on donne à la période dite post-partum (de l’accouchement jusqu’au retour des règles). Un aspect bien souvent tu parce qu’on aime se conforter dans l’idée que c’est le paradis une fois revenue à la maison avec son petit bout. Pourtant il n’en est rien et il est même frappant de découvrir que la première cause de mortalité chez les jeunes mères après l’accouchement n’est pas du à des complications médicales mais bien à une dépression menant au suicide. La réalisatrice ne fait aucune concession pour montrer autant les bons que les mauvais moments quitte à brusquer lorsqu’il s’agit de montrer une cicatrice de césarienne encore tenue par des agrafes. C’est peu reluisant et pourtant la réalité est là.

À travers toutes les patientes de Chantal Birman, c’est un panel très large qui est brassé pour essayer de mieux en saisir les complexités et les cas de figures possibles. Des moments très beaux et tendres qui nous invitent dans une intimité presque réconfortante. Un message pour nous rappeler qu’on ne naît pas mère, on le devient. Qu’on a le droit de faire des erreurs, de ne pas savoir quoi faire, de demander de l’aide et de pleurer. C’est un travail constant que Chantal Birman a fait pendant des années, se remémorant également ses bons et ses mauvais moments (sa discussion avec sa meilleure amie quant à son avortement est sidérante tant elle arrive à le raconter avec une distanciation admirable) et en essayant d’inculquer ses valeurs aux prochaines générations qui voudraient exercer ce même métier.
Aude Pépin et Chantal Birman forment un duo exceptionnel pour un documentaire nécessaire et d’utilité publique qui ose montrer tous les aspects de la maternité, les plus beaux et chaleureux comme les plus compliqués et les moins reluisants. À la vie est un cri du coeur pour non pas une mais deux professions : sage-femme (et homme sage-femme) et mère.
À la vie de Aude Pépin. Avec Chantal Birman… 1h18
Sortie le 20 octobre