Prix du jury dans la catégorie Un certain regard au Festival de Cannes 2021, Great Freedom est un drame passionnant et passionnel sur la quête perpétuelle de l’amour, partout, tout le temps dans l’Allemagne de l’après-guerre.
Le paragraphe 175 du Code Civil allemand décrété en 1872 condamne les homosexuels jusqu’à 10 ans de prison. Ce paragraphe permet également aux autorités d’intercepter et de confisquer des lettres d’amour tout comme d’installer des caméras derrière les miroirs (notamment dans les toilettes) pour récolter des preuves. Après la guerre, ce paragraphe a continué a faire des centaines de milliers de victimes, les homosexuels enfermés dans les camps directement transférés en prison pour purger leur peine légale. C’est dans ce contexte que s’inscrit le film de Sebastian Meise où l’on suit l’histoire de Hans Hoffmann qui, malgré le contexte, cherche encore et toujours l’amour, même en prison.

La liberté, Hans ne l’a quasiment jamais connue. Le long-métrage s’ouvre sur des images de pellicule où l’on aperçoit le jeune homme traînant dans des toilettes publiques et ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. C’est cet acte qui envoie Hans en prison où il doit dans un premier temps cohabiter avec un détenu qui voue un certain dégoût pour les homosexuels. Pourtant Hans ne se démonte pas, il s’accroche, sourit malgré les conditions dégradantes et retrouve forcément des hommes qu’il a côtoyé ou même aimé par le passé. De temps en temps, il trouve des subterfuges pour pouvoir les retrouver le temps d’une nuit, les aimer comme avant malgré la fatigue et le froid.
Great freedom prend ensuite une tournure surprenante. Même si dans le fond et dans la forme c’est indéniablement un film de prison, il est peut-être avant tout une grande fresque romantique. Le métrage est emprunt de douceur insoupçonnée par un geste, un regard, un sourire. Et si elle était là, la véritable liberté ? Mais que sait-on de l’amour quand on l’a vécu en prison une grande partie de sa vie ? Car on comprend rapidement que même si Hans rêve de liberté, il finit toujours par retourner en prison pour la même raison, comme s’il n’avait pas appris la leçon, comme si quelque chose le poussait à toujours retourner là où il a ses habitudes et, désormais, ses amis. Le final qui laisse libre interprétation au/à la spectateur·ice brouille les pistes sur la notion de liberté et où elle se situe pour notre personnage principal. Un personnage principal magnifique incarné par Franz Rogowski qui offre là une performance splendide, émouvante, tout en retenue et en poésie, réussissant à faire passer toutes ses émotions à travers un simple regard.
Élan romanesque et presque désespéré dans cette quête de l’amour malgré les conditions, Great Freedom est un fabuleux drame délicat qui joue ses pions intelligemment pour tout dévaster sur son passage. Un grand film.
Great Freedom de Sebastian Meise. Par Thomas Reider, Sebastian Meise. Avec Franz Rogowski, Georg Friedrich, Anton von Lucke… 1h56
Sortie le 9 février 2022