Pour Jackson, on est prêt à tout. Oui, à tout. À renier notre condition de gentil petit couple bien rangé pour se tourner vers le satanisme. À kidnapper, torturer psychologiquement, pactiser avec le malin. Pour que Jackson revienne, on est prêt à libérer d’autres démons en chemin, à sacrifier d’autres vivants, peu importe. Mais la question qu’on s’est pas posé : est-ce que pour Jackson, les spectateur·ices sont prêts à subir notre film ?
Film canadien présent en compétition de ce Gerardmer 2021, Anything For Jackson démarre pourtant sur les chapeaux de roue. Voir Audrey et Henry, couple idéal sous tous rapports, vivre leur quotidien dans leur maison, avant d’accueillir une jeune femme venue leur rendre visite à grands coups de marteaux et autres menottes, offre un ton décalé à l’humour éreintant, sur lequel on ne rechigne pas. Assister à des séances occultes en compagnie de deux petits vieux tous mignons joue sur un certain décalage, et la relecture du rapt par des ravisseurs qui sont bien désolés de leur acte et demandent constamment à leur victime de les pardonner d’avoir fait ce choix collatéral est délicieuse à observer. Malheureusement pour nous, l’idée principale se dédouble, tentant de partir vers des ambitions bien plus complexes, loin d’être adéquates aux épaules du réalisateur.

Le ton rafraîchissant des débuts, s’il revient par moments, s’estompe peu à peu, laissant place à une intrigue bien trop sérieuse et manquant cruellement de crédibilité. Que ce soit par le biais de flash-backs que l’on ne distingue qu’après coup – sans que ce soit une volonté scénaristique, juste une façon désastreuse de les amener -, de dialogues qui veulent absolument tout justifier, l’intérêt pour la réincarnation de ce pauvre Jackson devient insipide tant on attend patiemment que la torture s’arrête. Il faut compter aussi sur l’amoncellement de clichés, qui s’ils peuvent être amusants à détourner dans le cadre d’une comédie, deviennent ennuyeux lorsqu’ils servent à apporter une caractérisation archétypales aux personnages secondaires. On rigole à voir le groupuscule sataniste fomenter ses prières à l’ami Belzébuth, mais quid du fanatique occulte qui fournit le livre au couple, roux, pâle comme un cachet, qui écoute du metal dans le sous-sol de chez môman qui lui crie de venir déjeuner ? À un moment, c’en est juste trop.
On peut également dénoter une intention variable dans la direction d’acteur·ice·s, notamment autour de Julian Richings. Lui qui parvient à jouer de justesse la majorité du temps devient ridicule dès lors qu’il doit forcer le trait de certaines émotions. Certains plans sur ses rictus de terreurs exagérés nous feraient presque penser à de l’impressionnisme allemand, qui conserverait son charme si le film s’amusait encore à jouer de ses codes, et ne rentrait plus dans un cadre trop sérieux. Les tentatives d’ajouter de l’empathie avec le récit de l’accident ayant emporté ce cher Jackson finissent de nous achever, les auteurs comptant bien trop sur l’effet larmoyant pour nous emporter avec eux à mesure que tout perd en solidité.

Plus qu’un pétard mouillé, Anything For Jackson veut tenter la carte de l’absurde mais n’y croit pas suffisamment pour la jouer jusqu’au bout. En témoigne un résultat bancal, loin d’être infect à regarder mais qui tombe rapidement dans les méandres de l’oubli. Il résiste une certaine personnalité, qui donne envie de laisser une future chance aux réalisateurs, que l’on espère plus ordonnés au prochain essai.
Anything For Jackson, de Justin G. Dyck. Avec Sheila McCarthy, Julian Richings, Konstantina Mantelos…
ne pas croire en l’absurde , c’est abscon ! quelle drôle d’idée
[…] êtes dans votre canap’, vous venez d’enchaîner Anything for Jackson et The Cursed Lesson lors du festival de Gérardmer. Bref, autant vous dire que vous en avez plein […]