Miazaki Hayao et la retraite, un vaste sujet, toujours emprunt de frayeurs. Alors qu’il était question d’une cessation d’activités après Le Vent Se Lève, qui finalement donne lieu à une nouvelle proposition qui on l’espère nous parviendra dans les prochaines années – il faut dire que le rythme de production du réalisateur désormais octogénaire n’est pas des plus rapides -, on se remémore ces moments où cette peur nous a pris au gosier. Le départ de Ghibli en 99, qui a débouché sur un retour en grandes pompes avec l’exceptionnel Voyage De Chihiro, par exemple. Annoncé à l’époque comme le dernier métrage du célèbre dessinateur, il n’aura fallu que trois ans pour que ce dernier revienne vers ses chères planches, et nous offre une fois encore un métrage digne de ce nom, Le Château Ambulant.
Une guerre qui rode, un mystérieux mage source de rumeurs insondables, une sorcière bienfaisante que la jalousie mène au vice, des monarques corrompus et corrompants, et au milieu de tout cela, Sophie, une jeune fille qui va être entraînée dans cette aventure complètement hors-normes. Transformée en vieille dame – avec des traits qui nous remémorent ceux de la sorcière Yubaba et sa jumelle dans Le Voyage De Chihiro -, c’est malgré elle que les circonstances l’emportent, mêlant son incompréhension à celle du spectateur. Une fois n’est pas coutume, il s’agit de se laisser porter, de découvrir avec excitation cette nouvelle panoplie de personnages hauts en couleurs proposés par l’imagination débordante de Miyazaki.

La recette fonctionne une fois encore à merveille, tant l’attachement que l’on porte aux personnages présentés joue sur la portée onirique du propos. Calcifer, ce brasier espiègle qui alimente le château, Navet, l’épouvantail muet qui s’impose auprès de Sophie et ses compères, ou encore la Sorcière des Landes à laquelle on s’attache peu peu alors qu’elle devient notre douce “Mamie”, tout ce petit monde qui nous pousse à l’aventure. On retrouve le grandiose du Château Dans Le Ciel, ces moments grandiloquents où l’action dépasse toute commune mesure, et où l’animation à couper le souffle imprègne la rétine. Rien d’étonnant à ce que Le Château Ambulant soit un travail d’orfèvre, et que chaque tableau nous évoque la maestria de son auteur, mais il atteint ici encore un nouveau sommet, proposant des séquences dépassant l’entendement, où l’on ne peut qu’être bluffé par le spectacle intense qui se déroule.

Cependant, si le côté aventurier brave bien des embûches, c’est dans les thématiques que Miyazaki Hayao pêche un brin. Loin de vouloir jouer sur des grandes fresques moralisatrices comme il a pu le faire avec Princesse Mononoke, il reste dans les grandes lignes du genre : le grandiose pour parcours, les héros au grand coeur qui se dévoilent, l’intarissable pouvoir de l’amitié. Ce léger creux est évidemment compensé par le rythme du métrage, qui ne fait jamais retomber le soufflé malgré sa longueur. Une volonté de divertissement absolue, qui tient toutes ses promesses, notamment sur le travail de ces personnages adorables, force de Miyazaki. Un film pivot redonnant goût à son auteur, qui commence dès lors le travail sur Ponyo Sur La Falaise, lui aussi exceptionnel.
Le Château Ambulant, de Miyazaki Hayao. Avec les voix de Baisho Chieko, Kimura Takuya, Miwa Akihiro… 1h59
Sorti le 12 janvier 2005