Présenté lors de la Nuit décalée du festival de Gerardmer aux côtés de Cyst et de Slaxx, Psycho Goreman joue la carte du revival 80’s décomplexé au ton volontairement outrancier et brossant dans le sens du poil le public de niche. Et ça fonctionne du tonnerre.
Pour que ce trip sous acide à la sauce gros monstre dégueu fonctionne, il faut une héroïne qui défonce. Mimi, moins de dix ans, toutes ses dents, est absolument parfaite. Irrévérencieuse, excessive même, elle passe ses journées à pourrir son frère Luke, à ne rien écouter de ce que ses parents peuvent lui dire, éclater des bandes à un jeu de ballon ultra violent auquel elle a ajouté ses propres règles – et on n’y comprend rien –. Une gamine que l’on croirait toute droit sortie d’un stage chez les potos de South Park tant son respect ne dépasse pas les limites de sa propre personne. En gros, on s’attache en deux secondes à cette bouille d’ange mêlée d’arrogance qui si on la regarde avec trop de compassion nous met un bon gros coup de pied où on pense. La protagoniste parfaite pour réveiller une entité démoniaque, non ?

Destiné à annihiler toute vie terrestre – voire galactique, c’est selon l’humeur –, le démon en question, rebaptisé Psycho Goreman par Mimi, devient le toutou bien docile de cette dernière grâce à une pierre en sa possession. Le temps que le pouvoir de la pierre s’estompe et que l’assassin monstrueux puisse assouvir ses désirs meurtriers, il doit obéir au doigt et à l’œil à une môme qui compte bien l’utiliser pour tout ce qui lui passe par la tête. Les codes s’inversent et la bête doit s’affranchir de quelques valeurs guerrières pour retrouver sa liberté. Par son ton, Psycho Goreman nous régale. Que ce soit dans les dialogues où Mimi n’hésite pas à envoyer chier cette créature qui pourrait lui apporter le trépas en un claquement de doigt, ou par des situations rocambolesques qui rendent hilares, il n’y a pas un moment du film qui ne fait pas mouche. On pense à ce pauvre Alistair qui faute de ne pas assez vénérer la charmante gamine se voit transformé, cette dernière le trouvant trop bête, en un cerveau géant sur pattes. Éclatant que de voir ce pauvre bambin cervelé se déplacer au milieu de foules banalisant totalement sa condition.
Comédie loufoque qui joue sur ses visuels, Psycho Goreman est aussi l’occasion de ressortir le bestiaire des grandes occasions composé des meilleurs méchants de Power Rangers. Des costumes en dur, aucun effet numérique, rendant le tout excessivement kitsch mais dont l’inventivité fait honneur. On se poile devant le character design du conseil intergalactique épiloguant sur les manières d’éliminer leur ennemi désormais inoffensif – l’occasion en or ! – ou sur ce combat en forêt absolument ridicule qui nous rappelle les heures sombres de Bioman. Mention spéciale au robot cracheur de sang qui balance son liquide intra-veineux comme s’il s’agissait du pire venin. L’idée ici est de jouer de cet aspect vieillot, de l’utiliser pour titiller le geek avide de séries Z et lui offrir un moment correspondant à tous ses fantasmes. Pari excessivement réussi mais qui place Psycho Goreman dans sa propre limite.
À vouloir jouer sur l’ultra-référencement, le film ne peut exister en dehors de son prisme d’aîné·e·s auquel il rend hommage. Tout est prétexte à nous rappeler l’âge d’or des années 80, ces space operas farfelus et leur imagerie sous acide. Les gosses en protagonistes et leur relation aux adultes – parents irresponsables mais hilarants de cynisme, des figures d’autorités sans aucun impact – font évidemment écho aux productions Amblin et à l’influence de pépé Spielberg sur la pop-culture. Nul doute que Psycho Goreman n’aurait jamais existé sans cela mais au vu de la qualité de son écriture qui utilise ses références intelligemment pour proposer une aventure originale avec laquelle on se laisse facilement emporter, on ne saurait lui en tenir rigueur. Nous sommes ici loin d’un Stranger Things qui a besoin de constamment appuyer ses références pour s’affirmer plus cool qu’il ne l’est. Psycho Goreman est calibré, codifié pour plaire, mais a bien compris sa recette et sait comment s’en servir.
Belle surprise pour les néophytes qui découvrent qu’on peut se payer une bonne tranche de rire avec le genre, véritable bonbon pour les fans qui retrouvent la magie de leur jeunesse sans avoir l’impression qu’on les prend pour des portefeuilles – et encore, les produits dérivés vont déjà bon train, étant rapidement devenus un microphénomène –, Psycho Goreman est l’archétype parfait du film à regarder entre copain·ines pour passer un excellent moment. On en vient à se fantasmer l’expérience en salles dans le cadre du festival, qui aurait clairement eu une autre gueule.
Psycho Goreman, de Steven Kostanski. Avec Matthew Ninaber, Nita-Josee Hanna, Owen Myre… 1h39
[…] nous avait retourné l’estomac lors de sa présentation au BIFFF. Son retour au festival avec Psycho Goreman était donc attendu et, si le ton est à l’extrême opposé avec ce seigneur de guerre […]