Chimney Town est une ville crasseuse qui abrite des usines à foison. Les grandes cheminées qui recrachent constamment une fumée épaisse ont fait de cet endroit une ville sombre et désespérée. Alors que chacun·e se complaît dans cette vie sans lumière, Bruno est un tailleur mais aussi un conteur d’histoires. À travers ses mises en scènes dans des petits pièces de théâtre en papier, Bruno narre de merveilleuses histoires sur tout un monde qui se cacherait derrière cet épais mur de fumée. Des histoires à dormir debout pour les habitant·e·s qui ne cessent de le conspuer excepté son fils Lubicchi qui se met à rêver et à espérer que quelque chose d’encore plus grand se trouve sous leurs yeux. Après la mystérieuse disparition de son père, Lubbichi quitte l’école pour devenir nettoyeur de cheminées et devient par la même occasion un paria pour avoir cru aux histoires de son patriarche. Le soir d’Halloween, il rencontre par hasard un monstre fait de déchets rejetés par les usines de la ville. Une drôle d’amitié naît entre eux.

Vous les voyez ces personnes énervantes qui transforment en or tout ce qu’elles touchent ? C’est exactement le cas de Nishino Akihiro. Devenu une figure incontournable de l’humour au Japon alors qu’il n’a que la vingtaine, le jeune homme se fait une place de choix dans le monde audiovisuel en apparaissant régulièrement dans des émissions télévisées. À côté de ça on lui prête aussi des talents de scénariste mais le comédien a vite peur de s’ennuyer et de s’embourber dans un train-train qui ne lui correspond pas. C’est ainsi qu’il abandonne une de ses émissions quotidiennes pour se lancer dans le dessin. Un pari réussi puisqu’aujourd’hui c’est un artiste reconnu qui a même eu le droit à une exposition au premier étage de la Tour Eiffel en 2019. Il en a même fait par la suite un livre pour enfants qui reste à ce jour un de ses plus gros succès avec pas moins de 600 000 exemplaires vendus. Une success story qui s’achève sur un film sorti au Japon le jour de Noël et qui a rencontré un joli succès.
Des étoiles qui se sont alignées depuis le début pour un film qui parle justement… d’étoiles et de persévérance. Tandis que la population s’est résignée à vivre comme des rats sous terre, Lubicchi continue d’espérer, quitte à être rejeté de tou·te·s. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est devenu nettoyeur de cheminées afin de grimper le plus haut possible et admirer le ciel qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Quand un autre paria puant et fait de déchets fait son apparition, le garçonnet trouve en lui un compagnon de route, son premier véritable ami à qui il raconte les nombreuses histoires narrées par son père. C’est finalement un évènement inhabituel qui pousse Lubicchi a prendre les devants et prouver au monde entier qu’il y a bien quelque chose derrière cette fumée épaisse.

Poupelle of Chimney Town ne se contente pas d’être un simple conte pour enfants. Dès les premières minutes, une vraie noirceur s’en dégage. La ville transpire la tristesse. Ses habitant·e·s ont le visage fermé, le travail s’effectue non stop, les déchets sont jetés hors de la ville ou brûlés. Une épaisse fumée noire pose un voile sombre sur Chimney Town. Il n’y a plus d’espoir ici. Et celleux qui osent croire en un monde meilleur et plus beau sont perçu·e·s comme des fauteur·se·s de trouble. La disparition suspecte de Bruno vient d’ailleurs titiller le/la spectateur·ice qui ne croit pas un instant à la thèse de l’incident. C’est finalement la rencontre entre Lubicchi et Poupelle qui pousse le garçon a trouver ce qui se cache derrière tout ça. Au pire il n’y a rien et les habitant·e·s avaient raison, au mieux il y a bien quelque chose qui l’attend et son père avait alors raison. Le film suit dès lors une trame scénaristique tout à fait classique avec une amitié mise à rude épreuve, des tensions, des révélations et un dernier voyage salutaire pour tous les deux. Derrière cette exploration un peu folle, c’est aussi un moyen pour Lubicchi de grandir mais surtout de faire le deuil de son père.
Ce classicisme est contrebalancé par une direction artistique irréprochable. Nishino Akihiro a souhaité garder la main en étant directeur artistique général mais également scénariste. Un choix qui se ressent dans la cohérence qui se dégage du film. De son côté, le studio 4°C a déployé tous ses talents pour nous offrir des panoramiques à couper le souffle. Un travail de minutie dans les détails mais aussi sur les couleurs. Un paysage fade et terne dans lequel Lubbichi et Poupelle contrastent par leurs tenues et leurs couleurs, véritable lueur d’espoir parmi cette tristesse ambiante. Mais là où le studio nous éblouit totalement, c’est bien dans sa dernière partie, des images et des graphismes qui ne sont pas sans rappeler certaines scènes des Enfants de la mer, aussi poétiques qu’oniriques.
C’est avec les yeux mouillés et le cœur gonflé de joie qu’on termine notre visionnage de Poupelle of Chimney Town. Une pépite délicate, un élan poétique qui nous rappelle de toujours rêver mais aussi la confirmation que Nishino Akihiro est un artiste à suivre de très près.
De l’autre côté du ciel de Nishino Akihiro. 1h40
Sortie le 17 août 2022