Directrice artistique du Festival International du Film d’Amiens (FIFAM) depuis la 37ème édition, en 2017, Annouchka de Andrade a préparé, pour cette 41ème édition, de nombreux événements permettant de souffler les 40 bougies du festival. Pour On se fait un ciné, elle revient sur l’évolution du FIFAM depuis sa prise de fonction, et évoque l’importance des festivals dans la future exploitation des oeuvres cinématographiques.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle de directrice artistique du FIFAM ?
C’est évidemment de programmer des films, de construire une programmation. Il a fallu que je le fasse en imprégnant ce que je suis, mes idées, mes envies… mais aussi en m’inscrivant dans une identité forte qui est celle du Festival du Film d’Amiens crée il y a 40 ans par Jean-Pierre Garcia. Il a fallu que je rentre dans le sillon qu’il avait creusé mais en même temps que je prenne mes marques.
Depuis votre première édition en tant que directrice artistique, en 2017, avez-vous commencé à tisser un fil rouge à travers vos différentes sélections ?
Pas particulièrement un fil rouge, mais j’ai essayé de mettre en avant les femmes cinéastes. Tous les ans, je mets en place un focus sur les femmes, que ce soit les femmes de la Méditerranée, les femmes cinéastes espagnoles, les pionnières… ça a été quelque chose qui s’est construit pierre à pierre. J’ai également organisé certaines thématiques autour d’un pays. Cette 41ème édition du FIFAM est particulière car c’est une édition anniversaire, mais les trois dernières éditions rendaient hommage à un pays particulier, qui était mis en avant. C’est quelque chose qui n’avait pas été fait ici avant donc c’est ça aussi ma marque. Nous avons également toujours cherché à mettre en avant des affiches conçues par des artistes. Cette année, nous sommes partis d’un photogramme de film (Genesis, 2004, de Marie Pérennou et Claude Nuridsany, NDRL), mais les affiches des précédentes éditions ont été conçues par un dessinateur, un peintre, un tapissier et une photographe. Mettre en avant une oeuvre artistique pour l’affiche du festival vient renforcer l’esprit que je veux insuffler à l’édition en cours.
Vous évoquez l’anniversaire du FIFAM, celui-ci prend place après une année particulière pour les festivals de cinéma, était-ce plus difficile de programmer cette 41ème édition ?
Non ce n’était pas plus dur. C’était complexe mais en même temps, faire une programmation ce n’est jamais facile, ça ne se fait jamais en un claquement de doigts. Pour cette 41ème édition, j’ai tout d’abord repris deux programmes qui étaient prévus pour les 40 ans. La principale conséquence de la pandémie c’est que je n’ai pas pu voyager, mais en même temps personne n’a pu voyager comme il le souhaitait. Donc je n’ai pas pu aller à la rencontre des producteurs et des cinéastes dans différents pays comme je le faisais d’habitude. Il y a donc plus de films français cette année, surtout en compétition, il n’y en a d’ailleurs jamais eu autant pendant mon mandat ! J’ai l’habitude de mettre l’accent sur des cinématographies plus fragiles, en montrant des films tibétains, des philippines, ou même de Trinidad, qui sont des pays dont on voit peu les films. Finalement, le seul côté positif de la pandémie, c’est que cela nous a permis d’avoir plus d’équipes de films et d’invités français.

Au sein de la compétition, vous avez un certain nombre de films qui n’ont actuellement aucun distributeur. C’est important pour vous que le festival permette de mettre en lumière ces films ?
C’est même pour moi le but d’un festival ! Il faut montrer des films que l’on aime, faire des rétrospectives, attirer l’attention sur des cinéastes, des cinématographies ou des mouvements… Mais il faut aussi servir les films et les auteurs, c’est pour cela qu’on ne va pas piocher que dans les films qui ont déjà des distributeurs. En tout cas ça ne serait pas ma conception du festival, il y a donc ici des films sans distributeur et on les aide comme on peut.
Vous diffusez également lors de cette édition le film Nouvel Ordre de Michel Franco qui n’aura, quant à lui, aucune sortie en salle.
C’est un cadeau que je fais aux spectateurs, le film était d’ailleurs diffusé au Festival de Venise où il a remporté le grand prix. C’est un vrai film de cinéma et le distributeur a pris l’option de ne pas le sortir en salle à cause de l’embouteillage des films et a préféré le sortir directement sur Canal +. Après avoir vu ce film, je me suis dit que c’était quand même dommage de le voir sur petit écran. Je ne suis pas contre les plateformes, elles existent et il est nécessaire de travailler avec elles afin que chacun puisse trouver sa place au sein du grand débat sur la chronologie des médias, qui me parait essentiel. J’ai dû me battre et convaincre le distributeur pour pouvoir offrir cette projection qui est donc une de ses dernières en salle, et je suis très contente de pouvoir montrer ce film.
Après cinq éditions en tant que directrice artistique, c’est quoi votre meilleur souvenir du FIFAM ?
Tous les ans il y a eu des moments forts, avec les invités, mais également avec le public. L’un de mes meilleurs souvenirs, c’était de me faire engueuler par des personnes du public qui me disaient « Mais c’est pas possible ! On a pas pu rentrer dans cette projection ! ». Moi je jubile ! (rires) Parce que franchement, de se dire que l’on a bossé pendant un an et que des gens ne puissent pas rentrer dans la projection parce que c’est déjà plein, je ne dis pas que je provoque ça, mais je trouve que c’est un super compliment ! C’était par exemple le cas pour la projection de la copie restaurée de L’Insoumis d’Alain Cavalier, des gens me suppliaient pour que je fasse une seconde projection. C’est d’ailleurs quelque chose qui nous est déjà arrivé, de rajouter des projections, je trouve que cela fait vraiment partie des bons moments. Un bon moment, c’est un public heureux de découvrir ou de redécouvrir des films ou des artistes. Quand on arrive à obtenir cela, c’est que notre rôle a été accompli.