S’il y a bien une autre chose dont on peut être fier·e·s chez nous hors du cinéma de genre qui nous offre continuellement de nouvelles idées, c’est bien le cinéma d’animation. Après le triplé Josep / Calamity / Petit Vampire, et avant Le peuple loup, on peut retrouver en salles Le sommet des Dieux. Adaptation audacieuse qui pose des questions quant à l’Homme et sa soif de toujours plus.
Au départ de ce projet, c’est l’ambition d’adapter un roman graphique étalé sur cinq tomes lui même adapté du roman écrit par Baku Yumemakura. Fukamachi est un reporter qui suit régulièrement des alpinistes dans leurs ascensions. Alors qu’il se trouve à Katmandou, il croit reconnaître Habu Jôji, un alpiniste célèbre qui a disparu du jour au lendemain après un terrible accident qui lui a fait perdre deux doigts. Mais ce qui l’intéresse le plus, c’est l’appareil photo qu’il tient entre les mains : un Kodak Vest Pocket qui a appartenu à George Mallory, un alpiniste anglais décédé en 1924 en voulant grimper le mont Everest. La pellicule développée permettrait de savoir s’il est le premier homme à avoir grimpé le “sommet des Dieux” et ainsi peut-être changé l’histoire de l’alpinisme. Fukamachi décide de partir sur les traces d’Habu afin de découvrir la vérité mais cette quête le mène bien plus loin qu’il aurait pu imaginer.
Au cœur de récit fictif, c’est un fait divers réel : George Mallory et son compagnon de voyage Andrew Irvine décident de gravir l’Everest en 1924. Malheureusement, ils ne redescendent jamais. Ont-ils atteints le sommet ? Sont-ils décédés juste avant ? Les photos de l’appareil permettraient de savoir la vérité. Fukamachi est un reporter, un homme à la recherche de la vérité, de réponses concrètes qui commence sa quête comme n’importe quelle investigation. Mais que se passe-t-il lorsqu’on est confronté·e à quelque chose de plus grand que soi ? Lorsque la vérité et la compréhension dépassent l’entendement ?

Le film prend une direction beaucoup plus onirique lorsqu’il se concentre sur l’alpiniste Habu Jôji. On découvre alors son parcours, on embrasse son amour pour l’alpinisme tout comme on conspue son attitude solitaire et égoïste avant de découvrir un personnage beaucoup plus complexe qui déploie toute sa beauté. Est-ce qu’atteindre le sommet est un but en soi ? Que faire une fois qu’on est devenu le meilleur ? Devenir encore meilleur ? Les alpinistes repoussent constamment leurs limites pour grimper plus vite, par des chemins plus dangereux – voire mortels – ou en s’handicapant volontairement – certain·e·s alpinistes n’hésitent pas à grimper sans oxygène sachant qu’à partir de 8 000 mètres le corps n’est plus préparé à encaisser – en vivant constamment sur le fil, frôlant la mort du bout des doigts. Quel plaisir trouvent-iels à cela ? Le film offre des réponses évasives, à l’image de cette passion qui semble parfois indescriptible. Patrick Imbert (à qui on doit notamment Le grand méchant renard et autres contes) opte pour le lyrisme et la poésie qu’offrent ces grandes étendues enneigées. Le travail visuel est minutieux, exaltant l’image qui nous offre une infinité de possibilités et de réflexions quant à l’Homme et son besoin constant de dépassement de soi quitte à en mourir. Le long-métrage réussit à capturer avec brio son sujet, ses tenants et aboutissants, faisant ainsi frémir dès qu’un vent est un peu trop fort, que l’alpiniste rate une prise ou que la corde est sur le point de se briser. Le/la spectateur·ice vit, pendant une heure et demie, sur le fil avec ces personnages entre la beauté de l’immensité mais aussi sa mortalité.
Le seul regret qu’on peut avoir c’est de ne pas avoir profité de son matériau d’origine dense pour en faire une œuvre plus dense, quitte à être plus longue pour mieux approfondir les enjeux des différents personnages et de ce sport en général. Cependant, on ne peut nier sa perfection plastique qui nous passionne, nous happe alors qu’on palpe quelque chose d’invisible et pourtant de si concret.
Le sommet des Dieux de Patrick Imbert. Avec les voix de Lazare Herson-Macarel, Eric Herson-Macarel, François Dunoyer… 1h30
Sortie le 22 septembre