Un ange passe, c’est là l’une des phrases entonées à l’égard des Enfants d’Isadora, qui a charmé jusqu’au jury de Loncarno qui lui a décerné le prix de la mise en scène. Si l’on en comprend la poésie, et que l’ange sus-nommé existe, on aurait apprécié qu’il accélère la cadence de son survol.
Lorsqu’Isadora Duncan perd ses enfants, respectivement de quatre et six ans, dans un tragique accident, l’émoi bouleverse sa carrière. Elle qui ne se remet jamais de l’incident exprime son désarroi par l’art, créant ainsi toute une mouvance influençant à jamais la danse moderne. Si quelques mentions de ses émotions sont narrées en voix off par le premier personnage qui effectue une lecture de sa biographie, ce n’est pas de l’écrit d’Isadora que Damien Manivel va tirer son inspiration, mais d’un pas de ses pas de danse, celui de “la mère”.
De la beauté sur la papier….
À travers trois portraits, une idée, celle de retranscrire la fascination que les personnages ressentent au découvert de ce pas de danse, et leur volonté de l’exécuter à leur tour. Premier portrait, une jeune fille lisant la fameuse biographie, que l’on entend uniquement lorsqu’elle la lit, et qui travaille le pas pour compléter sa phase empathique avec l’artiste. Second portrait, plus didactique, sur les répétitions d’un spectacle entre une professeure et son élève ; on y apprend les subtilités du pas, l’esprit avec lequel il faut l’aborder. Le troisième portrait, celui d’une vieille femme observant le pas lors du dit spectacle, pas qui la touche et l’obsède jusqu’à ce qu’elle rentre tenter de le reproduire malgré sa fatigue physique. Une volonté de transmission par l’art, un art universel qui peut toucher des personnes n’ayant rien en rapport au premier abord par sa grâce, sa simple beauté que l’on se plaît à reproduire, ou parce qu’il touche au vécu, aux émotions plus profondes.

…au profit d’un ressenti vide.
Le film aborde ses protagonistes avec douceur, montrant avant tout des tranches de leur quotidien. Et c’est là qu’il nous perd. Si l’on comprend la volonté derrière ce choix de mise en scène, on n’est nullement touché·e par ces plans qui s’étirent sans fin. S’il s’agit d’un pied balleriné figé en plan fixe, on est prêt à l’accepter, il sert le récit. Mais quand il s’agit de voir cette dame marcher péniblement dans la rue ou manger des pâtes pendant des séquences interminables pour nous décrier sa solitude et le fait que réaliser le pas de danse est un exploit pour elle qui peine à se déplacer, c’en est trop. Si le second portrait offre plus de rythme, il est difficile de l’apprécier tant le premier nous a mis à rude épreuve, et que l’ennui est déjà trop présent lorsqu’il débute. Le troisième portrait devient un parcours du/de la combattant·e, où l’on se retrouve face à ces immenses rues, ce personnage qui les parcourt à petit pas, en sachant pertinemment que la caméra ne coupera que lorsqu’il aura quitté le champ. Jusqu’au coin de rue où le plan suivant sera le parcours de la prochaine, tout aussi long.
En choisissant un ultra-réalisme générant l’ennui, le propos que l’on admire sur le papier se perd dans un festival de vacuité dont on se demande au bout d’à peine une demie-heure quel en est le but. Avant de malheureusement subir.
Les Enfants d’Isadora, de Damien Manivel. Avec Agathe Bonitzer, Manon Carpentier, Marika Rizzi…1h24. Sortie le 20 novembre 2019.