Jamais édité en vidéo, ni diffusé à la télévision, L’étang du Démon a eu le droit à une restauration à l’été 2020. Grande chance que de rendre des raretés accessibles au grand public. C’est une sorte de magie du cinéma qui existe à travers des passionnés et entre autre de nombreux membres de l’équipe du film. 1979, shinoda décide d’adapter l’œuvre du romancier Ky?ka Izumi. Il en ressort un film fortement inspiré du théâtre japonais communément appelé Kabuki. On y retrouve l’acteur Band? Tamasabur? qui est un Onnagata, c’est à dire acteur qui joue une femme. De nombreux codes du Kabuki nourrissent l’œuvre de Masahiro Shinoda qui propose ainsi quelque chose de singulièrement intéressant
Il est important de féliciter dès ces premières lignes le travail exemplaire de la restauration de L’étang du Démon, qui donne de quoi s’extasier face à une attention exemplaire dans ses couleurs. Au cours de l’été 1913, le professeur Yamazawa entame un voyage compliqué où de nombreux villages se retrouvent asséchés. Un jour dans une forêt, il découvre une source d’eau tout à fait potable qui appartient à l’étang du démon, et près de celle-ci vivent Akira et Yuri. Habitant près d’une cloche ancestrale qui appartient au village, ils se sont donnés l’obligation de la sonner à plusieurs reprises afin d’éviter un hypothétique raz-de-marée qui pourrait engloutir plus de 8000 habitants. Empreint de mysticisme, de démons, de promesses et d’êtres surnaturels, nous sommes happés par un univers élégant où on y trouve homme-poisson et homme-crabe.

L’étang du Démon assure une telle ambiance, qu’on se surprend assez rapidement à suer en même temps que les personnages. Le film nous donne chaud, nous hypnotise à travers ses décors hallucinants. Pourtant il sait parfois en faire l’économie pour donner toute puissance à son conte. On est émerveillé par la rencontre entre le professeur Yamazawa et Yuri, par le premier regard qu’il pose sur elle, accroupie de dos près d’une source d’eau. Elle semble intangible, digne d’un rêve enfiévré. L’œuvre de Shinoda a tout d’un conte mélancolique. Quand ils se rencontrent, Yuri le nourrit, et l’aide. Pour la remercier, il doit lui raconter une histoire. La douceur de la scène est fabuleuse car elle ne s’arrête pas là, elle cache un homme, Akira qui aime Yuri, ancien ami de Yamazawa. Il a disparu en abandonnant la ville il y a quelques années de cela, et celui-ci n’ose pas se montrer, par peur du regard de son ami, ainsi il écoute pendant des heures leurs échanges.
Nous avons affaire à une œuvre dense, quelque chose qui prend corps avec les codes du Kabuki. Le récit se retrouve transformé à tel point que des non-initiés peuvent se retrouver décontenancés. L’ennuie, où l’impression d’un récit qui prend du temps à avancer, de personnages qui répètent inlassablement leurs mêmes sentiments. C’est une dynamique respectable mais qu’il n’est pas aisé d’accepter et c’est en cela qu’il peut par moment rebuter. D’autant plus qu’au deuxième acte Shinoda prend à bras le corps cette ambition d’instaurer un arc mystique où on s’attarde sur les inquiétudes et sentiments des démons, quitte à devoir créer une rupture dans l’histoire.
L’étang du démon est une œuvre mFilm de 1979, sorti leerveilleuse à l’onirisme magnifique. Difficile de ne pas être en amour pour cette aventure plurielle, où le tragique unit les démons aux humains.
L’étang du démon, de Masahiro Shinoda. Avec Tamasaburo Bando, Go Kato, Tsutomu Yamazaki… 2h04
Film de 1979, sortie le 22 Septembre 2021