En 1997, Hong Kong est rétrocédé à la Chine, mettant fin au bail de 99 ans relatif aux nouveaux territoires établi entre l’Empire Britannique et l’Empire du Grand Qing suite à la défaite de ce dernier dans la guerre sino-japonaise. La même année sort Made In Hong Kong, troisième long-métrage du réalisateur Fruit Chan (Nouvelle Cuisine), captant déjà avec justess, l’ébullition de ce qui devient la future première région administrative spéciale de la République Populaire de Chine.
Mi-août et Jacky, son protégé handicapé abandonné par sa mère, sont deux voyous paumés, engagés par les triades locales, plus précisément par un certain M. Wing, pour collecter les dettes dues par la population. Leur destin prend une autre tournure lorsque que Mi-août tombe amoureux de Ah Ping, la fille malade d’une femme endettée, et que Jackie trouve deux lettres d’adieu sur le corps d’une jeune suicidée. Les trois personnages forment rapidement un trio de marginaux à la drôle d’allure, en quête de réponses sur leurs vies respectives à l’intérieur de cette jungle urbaine.
Au fil du récit, on aperçoit différents posters de films, Tueurs Nés d’Oliver Stone, My Own Private Idaho de Gus Van Sant, ou encore Léon de Luc Besson. À l’image de la ville, ces différentes représentations permettent de comprendre la violence qui y règne, et la volonté des personnages d’y échapper. Mi-août se révèle être, à l’instar des personnages de fiction qu’il idolâtre, un anti-héros fascinant, autant dans la relation qu’il tient avec son entourage, que dans l’énergie qu’il déploie à être excentrique sur le plan vestimentaire et dans ses mimiques exagérées, feignant d’être le caïd qu’il n’est pas.

Mais il n’y a pas que Mi-août qui se retrouve doté d’un style particulier : le métrage de Chan l’est tout autant. Construisant une esthétique à cheval entre le cinéma de Wong Kar-wai et celui de Johnnie To, Made in Hong-Kong trouve une forme étincelante, arrivant à cerner à la perfection la vitesse d’une métropole, la fougue de sa jeunesse, et son terrain de jeu d’une modernité cadavérique, marqué par la pauvreté ambiante et la prostitution qui en découle. Ainsi, l’onirisme qui touche quelques-uns de ces instants se retrouve calciné dans des scènes d’une rare violence ne laissant se profiler qu’une fin que l’on devine brutale.
Mais le traitement le plus fascinant du métrage, c’est sûrement celui de l’amour. Dans ce monde-là, il n’y a pas de place pour l’amour, il n’existe pas, il n’est qu’évoqué idéalement sous forme de désir sexuel. Ce désir, il n’est présent que dans les rêves érotiques de Mi-août qui essaye de fuir le fantôme de Susan, la jeune suicidée, ou par le sang qui coule du nez de Jacky à chaque fois qu’il aperçoit ou devine l’odeur d’Ah Ping. Car dans ce monde, le désir aussi est violent. Dans cette œuvre tortueuse, le suicide semble être la seule rédemption possible pour ces figures torse-nu, dont la sueur ne cesse de dégouliner, comme si la ville aspirait peu à peu ce qu’ils ont de mieux.
Made In Hong Kong se présente comme un film de personnages touchant et inspiré, dont la magnifique bande son de Wah-Chuen Lam ne fait que sublimer l’ambiance contrastée qui berce la représentation de ces minorités en perdition. Depuis, si en dehors de son film de genre très original et plutôt qualitatif qu’incarnait Nouvelle Cuisine, Fruit Chan n’a rien proposé de bien marquant, c’est peut-être qu’il a déjà tout raconté dans cette œuvre-somme sur la jeunesse, sur cette volonté de vivre, avortée par une ville en perpétuelle mouvance.
Made in Hong Kong, de Fruit Chan. Avec Sam Lee Chan-sam, Wenders Li Tung-Chuen, Neiky Yim Hui-chi… 1h49.
Film de 1997, sortie en France en DVD et Blu-Ray prévue le 27 janvier 2021