Les films concernant les MECS (Maisons d’enfants à caractère social) – à ne pas confondre avec les foyers d’accueil – sont assez rares dans le paysage français en plus d’avoir cette image d’endroits enfermant des enfants à problèmes où règne la violence. Nessim Chikhaoui, qui a travaillé dans une de ces structures, utilise son expérience pour concevoir son premier long-métrage, Placés, et offrir une visibilité à ces lieux méconnus.
L’année vient à peine de commencer qu’elle nous réserve déjà de sacrées surprises. Qui aurait cru que le co-scénariste des quatre films de la saga Les Tuche puisse se lancer dans la réalisation d’un film aussi sérieux ? Et pourtant. Nessim Chikhaoui a puisé dans ses dix années en tant qu’éducateur pour nous plonger au cœur d’un de ces foyers, et mieux en saisir ses mécaniques, et les dynamiques humaines qui ne se résument pas toujours aux problèmes et aux violences.
Elias est un jeune homme ambitieux qui a réussi tout ce qu’il a entrepris. Sa famille est aimante, il a une petite-amie et est sur le point de passer le concours pour intégrer Sciences Po. Malheureusement, le voilà obligé de reporter ce projet d’un an après avoir malencontreusement oublié sa carte d’identité le jour de l’examen. En attendant, il part à la recherche d’un petit boulot pour mettre un peu de beurre dans les épinards. C’est grâce à un de ses amis qu’il se retrouve dans une Maison d’Enfants à Caractère Social. Ce petit boulot qui devait d’abord durer quelques semaines se transformer en une vocation pour lui qui était jusque là totalement étranger à cet univers.

Comme le rectifie Mathilde (interprétée par l’élégante Nailia Harzoune) dans la bande-annonce, celleux que nous voyons là ne sont pas des enfants à problèmes mais des enfants avec des problèmes. Le travail d’un·e éducateur·ice étant de les comprendre, de les accompagner mais savoir aussi les encadrer lorsqu’iels dépassent les limites. Elias voit d’abord ça comme un simple job, tel un·e élève en stage d’observation qui découvre un univers qu’on connaît finalement assez mal. Souvent représentés dans les médias et/ou dans les films comme des lieux de conflits, Elias – tout comme le/la spectateur·ice – découvre une autre facette de ces jeunes et de ce travail car ces lieux, malgré l’étiquette “sociale” collée sur le front, sont avant tout des lieux d’amour. Sans forcément lisser son récit et crier à tout bout de champ que tout est beau et rose, le réalisateur offre une autre réflexion quant à ces jeunes. Même s’iels sont déjà défini·es par des dossiers aussi épais que des briques dans leur propre esprit, ces gamin·es sont capables de s’en sortir, trouver un travail et un équilibre si quelqu’un·e décide de s’occuper d’elleux. C’est à ce moment que les éducateur·ices des MECS interviennent. Le réalisateur s’est inspiré des personnes qu’il a connues pour créer sa galerie de personnages : éducateurs·rices avec leurs propres problèmes mais avec toujours l’envie d’aider et de se surpasser, jeunes qui vivent dans le foyer. Le film fonctionne grâce à l’alchimie qui se crée entre tous ces personnages, créant une véritable troupe, avec ses hauts et ses bas. Il est d’autant plus plaisant de voir que le film s’extrait du carcan habituel du/de la jeune de la classe aisée largué·e au beau milieu de la cité pour lui apprendre la vie (ce qui pouvait faire peur aux premiers abords lorsqu’on regarde le synopsis).
Pour une première réalisation, Nessim Chikhaoui nous propose un film empli d’humanité, une lettre d’amour au métier d’éducateur·ice aussi éreintant qu’il est galvanisant lorsqu’on arrive à changer le destin d’un·e enfant tout en arrivant à trouver un certain équilibre entre drame et humour.
Placés de Nessim Chikhaoui. Par Nessim Chikhaoui et Hélène Fillières. Avec Shaïn Boumedine, Julie Depardieu, Philippe Rebbot… 1h51
Sortie le 12 janvier 2022