Passé totalement inaperçu à sa sortie, The kid de Vincent d’Onofrio a pourtant tous les atouts pour s’approprier les chemins des salles, à commencer par son genre : le western. À l’instar du sublime The power of the dog, devoir savourer les grandes étendues et des codes visuels dévoués au grand écran sur sa télévision reste une incompréhension, d’autant que, comme chez Campion, le choix de casting peut permettre une fenêtre de distribution propice. Devant des organismes de plus en plus frileux à la prise de risque, le film se voit ignoré, alors que sans proposer une révolution du genre, il s’avère fort sympathique.
Le destin tragique du jeune Rio (Jake Schur) se trace d’entrée de jeu : assistant à une énième ratonnade paternelle, qui coûte cette fois la vie à sa mère, il assassine le patriarche, et n’a d’autre choix que de fuir aux côtés de sa sœur, alors que Grant (Chris Pratt), leur oncle tout aussi immoral et violent que le défunt, les poursuit pour leur faire la peau. Au détour d’un malheureux hasard, la caravane improvisée croise le chemin du non moins célèbre Billy The Kid (Dane DeHaan), sur le point de se faire attraper par son antagoniste tout aussi légendaire, Pat Garrett (Ethan Hawke). Le hors-la-loi voyant en Rio un miroir de sa propre histoire, il décide de prendre le jeune homme sous son aile, et de l’aider à vaincre ses démons. Une entreprise éphémère, Rio devant rapidement apprendre à courir de ses propres gambettes, dans cette course contre l’inéluctable qui se rapproche pas à pas.

Dans le déroulé narratif qu’il emploie, Vincent d’Onofrio n’est pas en quête d’originalité. Sa force est de s’accompagner d’une histoire solide, qui promet son lot d’intensité, tant pour les scènes d’affrontement dont le classicisme de mise en scène joue d’une certaine noblesse, que pour un casting trié sur le volet, dont il tire le meilleur, les faisant incarner des archétypes précis, sans que chacun·e n’en fasse trop. Il est en cela étonnant de dire du bien de la prestation de Chris Pratt, éloigné de sa partition habituelle de dandy bad boy, qu’il ne joue qu’à moitié correctement. Ici, en maquereau sanguinaire obnubilé par sa réputation et sa volonté d’être reconnu comme un tortionnaire, le rôle pourrait rapidement le faire tomber dans la caricature, mais sa manière de se contenir, de jouer sur la rage, lui offre une tendance écorchée, qui ajoute à la tension. Autre acolyte que d’Onofrio a rencontré sur le tournage du pourtant dispensable remake des Sept mercenaires, Ethan Hawke endosse le charisme de Pat Garrett avec bonhommie, loin des rôles discrets dans lesquels il se complaît – Scott Derrickson nous a d’ailleurs récemment révélé une autre facette du comédien dans Black phone. Cerise sur le gâteau, les traits de Dane DeHann offerts à la figure mythique de Billy The Kid fonctionnent à merveille, l’acteur jouant parfaitement sur la dualité entre victime du sort et larron prenant du plaisir à la violence qui fait sa réputation. Des facettes marquantes, qui n’excluent pas pour autant la fratrie autour de laquelle s’axe le scénario. Vincent D’Onofrio, pour respecter cette passation, s’offre lui-même un petit rôle, qui n’occupe jamais la trame. Observant leur montée de colère face aux événements qui les acculent, et à l’impossibilité de voir la lumière au bout de l’impasse, Rio et sa sœur Sara (Leila George) sont emprisonné·es dans cet enfer de sentiments, sachant que la résolution sera rude.

The kid s’évertue à cocher des cases avec minutie, à un tel point qu’il en oublie souvent de proposer, s’émanciper. Une fois les cartes établies, et l’univers nommé, il n’y a que peu de surprises, tant on anticipe chaque affrontement, chaque moment où les dialogues sont de la partie. Ces derniers étant bien écrits, on pardonne facilement à celui qui fait renaître le spectre de John Ford, en nous parlant de l’Amérique vieillissante, en proie aux mêmes vieux démons. Son message, axé autour de ce que l’on fait des légendes, que nous ne survivrons pas aux réputations qui nous sont faites, est d’une simplicité déconcertante, établi assez rapidement, sans qu’un rebondissement ne vienne l’entacher, même s’il joue d’une petite surprise dans son dénouement. On savoure sans rechigner ce qui est un western soigné, comme on n’en voit peu (question d’époque, avant tout), connaissant les codes qui le rendent agréable, mais qui oublie d’exister pour lui-même. Comme les figures déjà vues et connues qu’il propose à suivre, il offre un nouveau tour de piste au genre, qui nous ramène à tout ce qui a déjà été dit.
The kid, de Vincent D’Onofrio. Avec Dane DeHaan, Ethan Hawke, Chris Pratt… 1h40
Sorti le 19 juin 2019 en VOD