J.C. Chandor, après trois premiers films très réussis, est de retour, mais cette fois ci sur Netflix. Avec Triple Frontière il réunit un casting imposant notamment composé de Oscar Isaac, Ben Affleck et Charlie Hunnam. Il raconte comment un groupe d’anciens soldats de l’armée américaine se lance dans le hold-up d’un riche trafiquant de drogue sud-américain.
Le parfait mélange entre blockbuster et film d’auteur
J.C. Chandor s’est illustré avec des films extrêmement personnels et artistiques. D’abord la vision de la crise des subprimes avec le sublime Margin Call, qui n’aura été égalé que par l’excellent The Big Short dans une autre approche. Le survival All is Lost qui voyait une des dernières interprétations du grand Robert Redford et enfin The Most Violent Year qui signait sa première collaboration avec Oscar Isaac. En le voyant débarquer sur Netflix beaucoup se sont inquiétés de le voir noyer dans la machine et signer un long métrage impersonnel. Mais c’est mal connaître le bonhomme puisqu’il parvient encore une fois à trouver sa voix et une intrigue solide à raconter. Parce qu’avec Triple Frontière, au-delà de son approche bourrée d’action et de testostérone, qui voit des mercenaires piller et tuer, c’est également une critique acerbe envers les Etats-Unis et son peu de reconnaissance vis-à-vis de ses soldats. Tandis que les politiciens s’en sortent avec des subventions à vie, les petits pantins au service de l’Amérique sont envoyés aux oubliettes. Une intrigue souvent traitée, par exemple à merveille dans le dernier Ang Lee, qui mettait en exergue toute l’hypocrisie de ce système. Il n’empêche qu’ici, plutôt que de s’apitoyer sur leur sort, le cinéaste offre à ses ex-marines l’occasion de se venger en s’en mettant plein les poches.
La mise en scène est relativement léchée. J.C. Chandor porte encore une fois son film grâce à une photographie plutôt esthétique dans des décors réalistes superbes. Il préfère privilégier la tension à l’action et le sentimentalisme de ses personnages plutôt que l’importance des actes. Ces cinq soldats sont des as, de véritables professionnels parfaitement interprétés par un casting imposant, dont J.C. Chandor sait tirer parti. Oscar Isaac voit sa carrière totalement décoller, et paradoxalement devient légèrement plus paresseux dans ses récentes interprétations. Ben Affleck quant à lui n’a pas à forcer son jeu blasé, énième rengaine du Batfleck fatigué d’exister, qui ne semble jamais réellement investi dans ses personnages. Mais le non jeu de l’acteur sied parfaitement à son protagoniste. En tout cas J.C Chandor démontre sa capacité à trouver le juste équilibre entre une vision d’auteur avec des questionnements internes personnels et politiques et une approche plus grand public composée de gun fights et d’extraditions explosives. C’est finalement une oeuvre passionnante qui évolue entre le polar, le thriller politico-militaire et le film d’action. Un long métrage presque lancinant qui prend son spectateur dans cette équipe de choc pour l’emmener dans les superbes décors de l’Amérique du Sud.
Une chose est sûre, Triple Frontière prouve encore une fois que Netflix sait où capitaliser son argent en donnant sa confiance à des réalisateurs influents. Le budget investi est bien rendu et la liberté artistique laissée par la plateforme prend encore tout son sens. Et dire qu’il y a encore des anti-Netflix, des sceptiques qui ne comprennent pas que sans Netflix des films comme Roma ou Annihilation n’auraient jamais vu le jour.