Après une carrière extrêmement prolifique en tant qu’acteur, Félix Moati passe derrière la caméra. Après un premier court-métrage “Après Suzanne” – où il dirigeait déjà Vincent Lacoste – présenté et plutôt bien accueilli au Festival de Cannes 2016, Félix Moati s’attaque au long-métrage avec “Deux Fils”. Une tranche de vie où se dessine trois générations bien différentes mais qui cherchent toutes la même chose en fin de compte : l’amour et la réconciliation avec le monde qui les entoure.
Le frère de Joseph vient de mourir et c’est le déclencheur d’à peu près tout dans le film. Passé de médecin accompli à écrivain raté, Joseph ne sait plus vraiment quoi faire et passe son temps enfermé dans sa chambre. À côté de ça son aîné Joachim ressasse encore et toujours une histoire d’amour qui n’a plus lieu d’être si bien que son avenir prometteur dans ses études de psychiatrie sont également mises en péril. Et au milieu de tout ça, le jeune Ivan qui, à 13 ans, découvre les joies mais aussi les peines que provoquent l’amour et tente de se trouver une place alors qu’il n’a plus de repères familiaux et que ses figures paternelles partent littéralement en couilles.
Félix Moati donne le ton dès la première scène : Joseph découvre le cercueil dans lequel reposera son frère. Il assure que ce cercueil sera trop petit et pour le prouver il décide de monter dedans. Absurde et pourtant révélateur de l’état de Joseph et de sa famille : encloisonnés. Le ton est donné, on rira, beaucoup, mais on pleurera aussi, pas mal. Et c’est ce juste dosage qui fait de “Deux Fils” une très belle réussite. Le scénario est d’une justesse folle toujours sur ce fil dramatique sans en faire trop, ironique, sans en faire trop aussi mais ce qui porte le film c’est surtout son casting de luxe. En effet Moati se paye quand même les services d’un Benoît Poelvoorde magistral et tout en retenue – sans pour autant renier son humour ce qui est plutôt malin – tandis que Vincent Lacoste n’a décidément plus rien à prouver. À leurs côtés, c’est une petite révélation que nous avons là en la personne de Mathieu Capella qui campe le jeune Ivan. Complètement déboussolé et incapable de se référer à un adulte entre son père dépressif et son frère dont il n’arrive plus à être proche, Ivan enchaîne les dérives (alcool, cigarette, violence…) car il doit devenir un homme comme son frère et son père ne le sont pas. Une jolie première performance qui nous promet de belles choses pour la suite. Le tout est sublimé par une BO jazzy délicate qui donne le ton au film entre joie de vivre et douce tristesse. On ne cessera de le répéter, ce film est incroyablement intelligent et généreux.
“Deux Fils” est emprunt d’une jolie mélancolie évidemment tenu par un casting impeccable mais il est indéniable que Félix Moati a de véritables talents de réalisateur et de scénariste si bien qu’à 28 ans, le jeune homme s’inscrit déjà parmi les réalisateurs les plus prometteurs de sa génération et si ses prochains films sont du même acabit que celui-là, le cinéma français n’a vraiment aucun souci à se faire.
Deux Fils de Félix Moati. Avec Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Mathieu Capella… 1h30
Sortie le 13 février