Profitant de l’arrivée de l’automne et de son cortège de goules, vampires et tueurs psychotiques, Marvel sort de son tiroir à malices Werewolf By Night, une adaptation du comics éponyme de 1972 suivant la vie tumultueuse de Jack Russel, un loup-garou aux prises avec l’univers Marvel. Aux manettes de cette plongée dans l’horreur siglée 16+, c’est le compositeur émérite Michael Giacchino, pourtant très occupé parmi les multiples bandes originales qu’il signe régulièrement, qui tronque sa baguette pour la caméra.
À la suite de la mort de leur chef, un clan de chasseurs de monstre se réunit à la demande de la veuve pour passer le test ultime permettant au vainqueur de repartir avec une pierre de pouvoir, qui offre à son porteur de jouir de capacités spéciales. Un monstre est lâché sur les chasseurs, et seul celui qui le tue peut réclamer la pierre.

Délaisser les capes et les collants au profit du voile épais de la nuit des monstres est un pari pour la firme Marvel. Pas le premier du genre, on se rappelle avec douleur des Nouveaux Mutants de Josh Boone. On note également le succès récent de Doctor Strange 2 qui, s’il n’est sans doute pas le projet le plus emblématique – ni le plus réussi – de son cinéaste, demeure l’une des œuvres d’où émane le plus d’âme de cette dernière phase. Toutefois, il ne suffit pas d’invoquer un monstre ou de faire preuve de bonnes intentions pour verser dans le genre horrifique.
Rejetant la couleur dans la quasi-entièreté de son métrage, Werewolf By Night nous invite dans la tradition des Penny Dreadful, histoires macabres au format court que l’on achetait à Londres au XIXème siècle contre un sou, à découvrir un monde sombre où la chasse aux monstres rime avec compétition. Demeure démesurée, têtes d’atrocités aux murs et chasseurs hauts en… noir et blanc, le cabinet des curiosités de Giacchino nous attire avec quelques plans intéressants et une bande son maîtrisée – sans surprise signée par le cinéaste – et nous promet une soirée d’effroi au rythme d’une chasse qui voit tomber ses protagonistes les uns après les autres. Jouant sur les ombres et le gigantisme de certains décors, le réalisateur fait appel aux grands noms du genre et leur rend hommage dans une série de plans qui impressionne – et n’est pas sans rappeler quelques grandes heures des Universal Monsters – par leur beauté, d’autant qu’ils se font rares dans cet univers. Avec cette promesse qui, si elle ne respire pas l’originalité, a le mérite de faire entrer un peu de noirceur dans un monde super-héroïque où l’humour et la quête d’émotions forcées viennent sans cesse écraser toute dramaturgie, nos attentes s’élèvent et s’emballent.

Vingt minutes plus tard, les grandes oreilles de Disney se sont invitées dans cette réunion et terminent d’achever ce que quelques séquences déjà nous faisaient craindre. L’horreur n’a plus lieu d’être, les monstres ne sont qu’humanité et l’humanité n’est que monstruosité dans un ballet rivalisant d’œillades avec le cliché. Les personnages s’embourbent dans leurs manques d’écriture, et le conte de la crypte verse dans une linéarité convenue. On retrouve la tendance à vouloir tourner en ridicule les héros et antagonistes afin d’introduire une touche d’humour explicite dans une ambiance qui n’en réclamait aucune. On s’engonce dans notre fauteuil en attendant de voir cocher la check-list du scénario délavé du monstre au grand cœur et de la belle qui cherche sa place.
Rose parmi les épines, la scène de combat parachevant les 53 minutes du métrage extirpe une mise en scène et une chorégraphie travaillées qui s’avèrent plutôt plaisantes. Un esprit facétieux pourrait trouver dans certaines scènes quelques parallèles avec les scènes d’affrontements de The Batman (hommage ou inspiration ?), et ce, notamment dans le jeu d’éclats de lumières parsemant la traversée d’un couloir parsemé de forces adverses tombant au rythme des coups. Faible consolation d’un final tout aussi convenu que le reste de cette réunion macabre qui se parachève dans un épilogue de buddy-movie renouant avec la couleur et atterrissant une fois de plus à la fin du cahier des charges du MCU.

Pavé de bonnes intentions, Werewolf By Night de Michael Giacchino n’échappe pas à la règle de tous bons films d’horreur : le monstre est implacable et impose ses règles à ses victimes. La souris infernale se repaît du genre, l’avale et nous recrache un rejeton légèrement fade. Prompts au pardon, nous reviendrons pour un second opus si Michael Giacchino nous promet la chasse de Morbius et sa mise à mort pour le crime odieux de son existence cinématographique.
Werewolf By Night de Michael Giacchino. Écrit par Peter Cameron. Avec Gael Garcia Bernal, Kirk R. Thatcher, Laura Donnelly…
Sortie le 7 octobre 2022 sur Disney + / 53 min