À l’origine, Willow est un film imaginé par Georges Lucas en 1988, qui reçoit des critiques mitigés tout en étant reconnu comme un grand pas en avant dans l’utilisation des effets spéciaux (notamment le morphing). Aujourd’hui pilier de la culture héroic-fantasy, passé sous le pavillon Disney depuis le rachat de Lucasfilm en 2012, vous imaginez la suite… Évoquée en 2019 et confirmée en 2020, la série dérivée Willow débarque sur nos écrans avec autant d’appréhension que d’excitation. Une appréhension légitime pour une œuvre totalement désincarnée d’enjeux.
Une fois sa mère battue, avec l’aide de Willow, Sorsha est devenue reine et se marie avec Madmartigan. Après avoir accouchée de jumeaux, Kit et Airk, Sorsha voit Madmartigan partir en mission sans jamais revenir. Des années plus tard, Airk est kidnappé. Un événement que Willow, en tant que grand sorcier, avait prédit à Sorsha. La reine envoie sa fille Kit, le combattant Boorman et le prince Graydon chercher Willow pour retrouver son fils.
Le film original est une véritable œuvre générationnelle des années 90, marquant aussi bien les parents que les enfants, avec une aventure comme on aime la vivre, mêlant magie, humour, amour et personnages iconiques. Certes, Willow premier du nom a pris un petit coup de vieux esthétique mais son propos reste tout à fait pertinent. Il offre même la part belle aux personnages féminins, les plaçant au centre de toutes les intrigues en reléguant les hommes à de simples exécutants. La série poursuit cette lignée… mais uniquement en façade. Kit, la fille, est censée être le personnage clef, elle est d’ailleurs au centre de toutes les péripéties dans la recherche de son frère mais ce sont au final Boorman, Willow et Graydon, les trois personnages masculins, qui sont les clefs jusqu’au dernier épisode.
Visuellement très ancré dans le cahier des charges de la teen-série, Willow reprend la même recette du voyage initiatique et magique d’un petit groupe parti après la quête de quelque chose et à la recherche de quelqu’un. Sauf que là c’est en 8 x 50 minutes contre 2h pour le premier film, et ça change énormément de choses. Les auteur·ices ne semblent pas pouvoir (savoir) faire évoluer leurs personnages dans un univers qui les dépasse et qui ne dépeint plus du tout les discriminations présentées dans le premier film (entre les nains et les hommes, envers les femmes…). Plus rien n’est politique et tous les personnages, qu’importe leurs origines, tailles, couleurs sont tous lisses.

Chaque épisode suit la découverte d’un nouveau lieu sur le chemin de nos huit héro·ïnes, sans que chacun·e n’ait le moindre intérêt. C’est là que l’on touche au nœud du problème : comment écrire des personnages aussi peu attachants et inintéressants ? Prenons l’exemple de Boorman, le combattant libéré par Sorsha pour accompagner la tribu. Trait pour trait, il est le Madmartigan de la série, ce personnage qui est là pour l’appât du gain mais pas par bonté d’âme. Dans le premier film, Val Kilmer lui donne un côté badaud, sans foi ni loi tout en le rendant attachant par sa bravoure, ce que rate l’écriture (et l’interprétation, soyons honnête) de Boorman. Comment rendre attachant un personnage qui ne prend rien au sérieux et qui ne fait que des petites remarques cyniques sur les actions ou paroles des autres ? Un reproche qui peut être fait à tous les membres du groupe, aucun ne prend au sérieux la moindre responsabilité de la quête. Même Willow, qui était le caractère sérieux du premier film, se prend à être cynique ou mesquin selon les situations.
Sans re-citer l’excellent article de notre chère Mayssa, Willow est un reflet édifiant du faible niveau des blockbusters sériels. Son scénario est proche du néant, son traitement des personnages à la frontière entre caricature et mauvais goût, rien n’est à sauver. Le/la spectateur·ice est pris·e en otage entre son envie d’arrêter à chaque blague et sa persévérance à vouloir voir où cette farce se termine (enfin). Le scénario est une imposture totale, avec ces nouveaux personnages que l’on veut émanciper de l’œuvre originale pour leur construire leur propre arc narratif mais dont chaque action ou idée est dictée par une référence au passé… Sans rentrer dans les détails (qui n’ont pas d’importance de toute manière), chacun de ces arcs se heurte, très tôt, à un élément de scénario soit douteux (la virilité des hommes) soit éculé (l’amitié, l’amour caché…). La mise en scène, impersonnelle, la lumière, sombre, et l’interprétation, où tout le monde cabotine, n’aident pas à faire passer l’ersatz de scénario. Disney, avec Obi-Wan Kenobi ou Willow par exemple, semble sur le point de créer la désicônisation. Après tout, le plus important c’est que le contenu soit visible non ?
Willow est une série crée par Jonathan Kasdan et Wendy Mericle. Avec Warwick Davis, Ruby Cruz, Ellie Bamber. 8 épisodes de 50 minutes.
Diffusée entre le 30 novembre 2022 et le 11 janvier 2023