Un mois avant la fermeture de nos chères salles de cinéma, le documentaire Billie était proposé aux spectateurs. Un film absolument passionnant qui s’est plongé à corps perdu dans plus de 200 heures d’interviews jamais retranscrites – son intervieweuse Linda Lipnack Kuehl étant décédé dans d’étranges circonstances avant de pouvoir les publier -. L’occasion de découvrir une femme aussi passionnante que brisée. Cette année, c’est la chanteuse Andra Day qui prête ses traits à la chanteuse de jazz dans Billie Holiday, une affaire d’État.
Billie Holiday est une des plus grandes chanteuses de jazz de son époque. Un succès sans pareille qu’elle a utilisé à bon escient pour défendre la cause afro-américaine. Rappelons qu’à l’époque la loi de Lynch autorise le lynchage des noir·e·s. Une pratique barbare et inhumaine dénoncée par la chanteuse dans son célèbre titre Strange Fruit. Une chanson qui signe autant sa gloire que sa chute. Le FBI voit d’un très mauvais œil cette chanson qui provoque du remous dans l’opinion publique. C’est décidé, Billie Holiday est une cible à abattre. Mais chanter n’est pas un crime. Qu’à cela ne tienne, elle se fait coffrer pour son addiction à la drogue. Un an et un jour de prison ferme pour la chanteuse tombée dans un piège (le FBI s’étant servi d’un de ses agents pour se rapprocher d’elle).

Ce n’est malheureusement que le début de la misère pour elle. Constamment épiée et menacée par le FBI, sa vie personnelle n’est guère plus agréable entre des relations qui finissent toujours sous les coups, la drogue qu’elle ne peut arrêter, les cabarets qui lui sont interdits (à cause du FBI) et cette idylle naissante avec l’agent du FBI qui lui-même ne sait plus sur quel tableau jouer.
L’exercice du biopic n’est jamais facile tant on peut rapidement tomber dans un portrait fade et convenu. Malheureusement, pour ne pas changer, le film est très propre et très carré. Tout ce qu’on attend d’un biopic, pas énormément d’inspiration niveau mise en scène et une histoire qui a parfois tendance à s’éparpiller, notamment lorsqu’il s’agit d’évoquer la relation houleuse entre Billie et le FBI. Un point sur lequel le métrage insiste énormément quitte à voir aussi souvent le chef du FBI que la chanteuse.
Passé ces quelques défauts, Billie Holiday, une affaire d’État s’avère être un biopic passionnant grâce à Andra Day qui le porte à elle seule. La chanteuse s’est plongée à corps perdu jusqu’à se mettre à boire et fumer pour que sa voix ressemble le plus possible à celle de Billie Holiday. Et le résultat est bluffant. Un biopic fascinant pour ce qu’il dépeint : un gouvernement contre une chanteuse. Son seul pêché ? Avoir voulu dénoncer les atrocités commises contre les noirs ,ce qui lui a valu le statut de sorcière à brûler quitte à outrepasser toutes les règles et à utiliser ses proches. Une vie qui ne l’a pas épargné depuis sa plus tendre enfance qu’on découvre au travers d’un flashback où l’on comprend rapidement que toute sa vie est basée sur la violence. Ce qui nous permet d’évoquer un autre aspect presque aussi important : la vie amoureuse de Billie Holiday. Des maris elle en a eu, chacun plus violent mais c’est dans cette violence qu’elle y trouve un certain équilibre, le fait de savoir ce qui va se passer la rassure. Quand elle tombe amoureuse de cet agent du FBI, cette nouvelle sensation l’effraie et elle préfère se réfugier dans sa zone de confort, quitte à repartir avec un ex compagnon violent.

Même s’il s’étire un poil en longueur et s’embourbe dans des effets stylistiques inutiles, Billie Holiday, une affaire d’État reste un film important. Un moyen de faire perdurer le combat d’une femme et le terrible harcèlement subi pendant des années qui participe sans aucun doute à sa chute brutale à l’âge de 44 ans.
Billie Holiday, une affaire d’État de Lee Daniels. Avec Andra Day, Trevante Rhodes, Garrett Hedlund… 2h10
Sortie le 2 juin