Un tube labyrinthique, une femme en tenue futuriste qui doit avancer par niveaux, des pièges, une échappatoire qui semble absente, du stress et un climat claustrophobe. Méandre, nouveau film de Mathieu Turi sort en salles avec l’idée d’être une proposition de genre teintée de SF, simple et joueuse. Malheureusement, le scénario veut voir plus loin, se révéler et plombe un peu l’ambiance.
Il y a quelques semaines Alexandre Aja arrivait sur Netflix avec Oxygène. Un huis-clos dans un caisson cryogénique, avec une Mélanie Laurent amnésique cherchant le moyen de survivre avec peu de temps d’oxygène. Le cinéma de genre français semble aimer s’aventurer sur le high concept et le survival avec une héroïne seule face à l’enfer qui s’ouvre devant elle. S’entourer de personnages féminins forts, impliqués, livrés à eux-mêmes face à la menace et qui n’ont d’autres choix que faire sortir un instinct primaire robuste, et un mental d’acier. Même si les deux métrages sont éloignés sur divers points et la compréhension globale, ils ont les mêmes qualités et défauts. L’un choisi le statique, étouffé et cloitré dans quelques centimètres sans la capacité de bouger. L’autre préfère le mouvement constant, l’avancée face à un bracelet qui indique que toutes les 11 minutes le tube prend feu. La finalité est la même, trouver un moyen de vivre. Il reste maintenant à relativiser, quand on se retrouve simplement coincé dans un ascenseur.

Mathieu Turi est un jeune cinéaste français, non des moins bons techniciens, qui fait ses armes en tant qu’assistant réalisateur pour Tarantino, Ritchie, ou encore Besson. De l’école des passionné·e·s de l’horreur et ses créatures gorasses et putrescentes, il sort Hostile en 2018 produit par Xavier Gens. Premier film de production indépendante, audacieux, mariant le post-apocalyptique, la survie, la romance avec beaucoup de sincérité et d’envie, mais plombé par une écriture faiblarde et des flashbacks omniprésents qui viennent alourdir tout le dispositif, pourtant bien maitrisé.
Au départ Méandre retient la leçon et corrige les imperfections de l’essai précédent. Le métrage se vit au présent et se contente de développer son intrigue sous une forme ludique de jeu vidéo. On pense évidemment au Cube de Vincenzo Natali et des personnages paumés qui découvrent les embûches parsemées dans le labyrinthe petit à petit. La force de capter tout le mécanisme et les enjeux vidéoludiques pour aller de façon binaire d’un point A à un point B, choisir la bonne issue, marquer des checkpoints, souffler quelques secondes et franchir les épreuves sans se vautrer. Une expérience amusante pour les amateur·ice·s de petites cruautés tendues qui crispent comme il faut sur un fauteuil. Si le sadisme est là, les pièges ne sont pas les plus sophistiqués, inventifs et bizarroïdes, mais mettent en avant des composants bien connus. Le feu, l’acide, l’eau, la lame qui tranche… C’est dans la simplicité, que parfois se trouvent les choses qui terrifient et font le plus mal. La mise en scène injecte au bon moment l’adrénaline qui augmente la tension. Le cadre est maitrisé, la lumière belle et travaillée s’agence parfaitement avec des effets sonores qui engagent la submersion du/de la spectateur·ice, projeté·e aux côtés de l’héroïne… Il y a un vrai travail de sens, d’expérience et d’immersion, admirable dans la volonté d’impliqué au maximum son public. L’engagement physique de Gaia Weiss impressionne. Elle joue le jeu à fond, tout du long avec beaucoup d’énergie, et confirme une actrice intéressante et charismatique après ses débuts dans la série Vikings. Le gore s’installe sans être trop présent et virer au torture porn de bain de sang, la douleur se ressent lorsqu’elle éclate et vient affaiblir le personnage.

Les faiblesses tiennent plutôt du contour, du développement, de l’intime, de la recherche d’explications. Comme Aja et son Oxygène, la volonté de voir plus loin que son concept, chercher à donner une raison à ce qu’il se passe, pêche. Une thématique du deuil, son cheminement et sa manière d’en sortir, chère au film de genre, qui n’est pas inintéressante mais trop appuyée. Plus le film avance, plus il s’embourbe. Le Cube de 1997 se dirige dans l’inconnu, le tube de Méandre ouvre sa narration pour surprendre, et toute l’évidence du propos existentiel saute alors aux yeux. Il faut bien évidemment évoluer avec son époque, répondre à des questionnements présents et ne pas rééditer ce qui a été fait par les ainés. Mais l’impact est d’autant plus brutal et marquant sans trop en dire, juste en laissant réfléchir par petites pointes et se contentant d’une méchanceté horrifique et premier degré.
Un excès d’ambition qui ne gâche en rien le plaisir d’assister une fois de plus à du cinéma de genre français qui propose, s’amuse, et prouve que techniquement le haut-du-panier est atteint, avec un budget limité qui pourrait fortement restreindre l’intérêt visuel. Mathieu Turi et son Méandre sont suffisamment talentueux et sincères dans la démarche et l’exécution pour être curieux·se de la suite du parcours d’un cinéaste et son univers bien marqué.
Méandre de Mathieu Turi. Avec, Gaia Weiss, Peter Franzen… 1h30. En salle depuis le 26 mai 2021.
[…] fait son petit bonhomme de chemin avec des critiques positives (comme celle de Nil Antonietti, ici), nous avions eu la chance de rencontrer Mathieu Turi par écran interposé durant le BIFFF. Entre […]
[…] que le cinéma hexagonal nous a mis dans la tronche, entre Médecin de nuit, La Nuée, Teddy, Méandre, Oxygène, Annette, et ce à quelques semaines d’intervalle). La différence reste dans ce […]