[CRITIQUE] Benedetta : Sous le Soleil de Verhoeven

Ce mois de juillet 2021 délivre enfin les fidèles de leur attente : le dernier Verhoeven est né ! Bien sûr, la recette habituelle n’a pas changée : une bonne charge contre la religion, un (généreux) soupçon de provocation, beaucoup de souffrances (c’est de bon ton !) et une tête d’affiche incontournable – Virginie Efira – pour porter le voile de la nonne la plus rock ‘n’ roll de toute l’Italie, Benedetta Carlini, dont le destin fut soigneusement rapporté par l’historienne américaine Judith C. Brown dans la biographie Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne. L’histoire se passe au XVIIème siècle, bien sûr.

Tu seras bonne sœur, ma fille

Derrière le préambule mignonnet se cache déjà le futur mystère de l’héroïne encore enfant mais curieusement différente. Aux portes de l’intrigue, on navigue entre illusions comiques et austérité monacale, passant habilement d’une chiure d’oiseau aveuglante à l’hostilité du couvent. Là où certain·e·s lisent déjà une critique jouissive de l’hypocrisie cléricale, d’autres voient se dessiner les contours d’une immense farce, qui plus est très perturbante, et qui s’avère être malignement outrancière. 

Ainsi, la fascination exacerbée d’une petite fille pour la Sainte Vierge, l’autre mère – l’autre sein (et nous y reviendrons…) – est bien vite remplacée par la découverte d’un potentiel érotique éclairé par la présence d’une novice miraculeusement rescapée de l’humiliation incestueuse paternelle : la bien nommée Bartholomea (Daphné Patakia). C’est ici que débute la mécanique d’un engrenage perturbant, la découverte devenant plaisir, et le plaisir s’accommodant d’une souffrance (auto-)infligée et d’un sadisme glaçant.

Putréfié ou gorgé de lait, le sein donc, fantasme ô combien masculin, vient filer la provocation farcesque ; et d’ailleurs, sous le sein de Benedetta, il y a son nouveau cœur, celui de Jésus, bien évidemment. Ainsi, la foi est constamment dupée par la chair, une chair pétrifiée de douleur, mais aussi par les visions supra-kitsch de Benedetta aux allures de parodies de clips MTV : Benedetta – épouse de Jésus selon ses mots – vire totalement possédée, laissant au/à la spectateur·ice le temps de rire ou de décrocher totalement…

© Guy Ferrandis/SBS Productions

Le bûcher ou la peste

Finalement, la tromperie blesse l’Amour qui ne se ressent nulle part : les dialogues contemporains ne flattent que le superficiel tourment des âmes esseulées. Le romantique se consolera donc dans la surreprésentation de la solitude, une solitude universelle qui traverse chaque personnage – méchants méchants comme gentils gentils. Notons à ce propos l’excellent jeu de Charlotte Rampling qui – malgré sa position néfaste – nous instruit d’une certaine sagesse, par opposition à Virginie Efira qui performe dans le rôle de l’outsideuse hallucinée. 

La désacralisation est ainsi constamment excusée en la personne même de Benedetta qui s’instruit du Mal et joue habilement avec sa jeune victime. Son plaisir passe avant tout, et ses fausses allures de sainte envoûtée la sauvent d’une certaine forme d’antipathie. Comme l’héroïne marvellesque, Benedetta prend le dessus sur ses détracteurs : la peste guette et frappe divinement bien. Reste finalement le Mystère, son mystère : stigmates, visions et parole divine… Qui était donc Benedetta ? 

Benedetta de Paul Verhoeven. Avec Virginie Efira, Daphné Patakia, Charlotte Rampling, Lambert Wilson…2h10. En salle.

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