Nous sommes probablement arrivés à un moment charnière de notre époque où la société – et le cinéma – réclame de plus en plus de films mettant en avant des femmes fortes et indépendantes ( et de ce fait, très souvent opprimées par le patriarcat) comme a pu le faire dernièrement “Une femme d’exception”. Du coup lorsqu’on a vu débarquer dans tout Paris ces affiches XXL arborant le visage angélique de Keira Knightley dans le rôle de la célèbre écrivaine Colette, figure de proue de la littérature française et modèle en tant que femme indépendante et quasiment pionnière dans son genre, on était en droit d’espérer un biopic rendant hommage à la femme et au succès qu’elle a connu après s’être enfin débarrassée du poids (au sens propre comme au sens figuré) de son mari. Force est de constater que la déception est immense tant le film se plante de A à Z.
Wash Westmoreland (le très joli “Still Alice”) s’est décidé à mettre en image les débuts tumultueux de la jeune Gabrielle Sidonie Colette alors fraîchement mariée à un homme plus âgé qu’elle mais avec qui elle partage une véritable passion amoureuse. Lui écrivain et elle jeune campagnarde, ‘’Colette’’ – au contact des clubs et milieux littéraires – va développer une passion pour l’écriture et aidée par son mari, ils vont à eux deux créer la fameuse saga littéraire “Claudine” qui ne sera signée que du nom de son mari évidemment. Une situation qu’elle vit de plus en plus mal en plus du fait que son mari lui soit infidèle et dilapide tout leur argent.
Tellement de choses qui ne vont pas dans ce film que je ne saurais par où commencer. Déjà nous n’aurons jamais autant vu de personnes parler anglais à Paris. Incompréhension totale d’autant plus que Colette écrit en français c’est noir sur blanc sur l’écran, le spectateur peut le voir mais non, absolument tous les personnages parlent anglais (même syndrome que “Seul dans Berlin” où ils parlaient tous anglais… au coeur de l’Allemagne) sans oublier qu’ils ont complètement effacé l’accent campagnard si caractéristique à l’écrivaine. Mais au-delà de ce qui pourrait être que de simples détails finalement, c’est le déséquilibre et l’image que renvoie le film qui est absolument désastreuse.
Outre les dix dernières minutes du film où découvre enfin une Colette pugnace, enragée et prête à devenir indépendante, le reste du film (plus d’une heure et demie quand même) s’attarde sur le statut de pion et de bonne poire qu’elle était. On assiste impuissant à une femme qui se fait utiliser et abuser à outrance, quasiment exploitée lorsque son mari se décide à l’enfermer à clé dans un bureau, lui lassant quatre heures pour écrire quelque chose. Horripilant par moment tant la condition de la femme est exécrable et est sur-représenté dans un film qui aurait du accorder une bien plus grande importance à son émancipation qu’à cet emprisonnement dont elle a été victime. Colette se fait tromper mille fois – sens propre et figuré – par cet homme arrogant et continue de lui pardonner ses excès. Une fois oui, deux fois pourquoi pas mais au bout de trois fois c’est assez irritant en tant que femme d’assister à un tel spectacle. Parce qu’on préfère aujourd’hui un film qui est en avant la force des femmes or celui-là met bien plus en avant ses faiblesses qu’autre chose (faiblesses comblées et pointées du doigt par d’autres femmes car elle semble bien trop inconsciente pour comprendre qu’elle est une victime).
En plus d’être d’un classicisme ennuyant et beaucoup trop sage comparé au personnage qu’était Colette, le film dépeint une mauvaise image de la femme et qui plus est dans un Paris totalement effacé et insipide.
Colette de Wash Westmoreland. Avec Keira Knightley, Dominic West, Eleanor Tomlinson… 1h52
Sortie le 16 janvier