OFNI, pour Objet Filmique Non-Identifié. Si beaucoup de métrages sont considérés comme tel, peu correspondent aussi bien à ce descriptif que House, réalisé par Nobuhiko ?bayashi en 1977. Inédit en France malgré son triomphe au Japon, le film sort dans les salles en hexagone. L’occasion de découvrir sur grand écran cette expérience unique en son genre, à la fois film d’horreur lorgnant du côté de la maison hantée, comédie burlesque, et trip expérimental semblant avoir été réalisé sous acides.
Belle est une lycéenne qui vit avec son père, sa mère étant décédée. Elle est en colère après son père, ce dernier ayant rencontré une femme et décidé de refaire sa vie. Belle part en vacances avec plusieurs de ses amies chez sa tante malade, au sein d’une grande demeure perdue au milieu de nulle part. La nuit tombée, les jeunes filles assistent à d’inquiétants événements surnaturels.
Contrairement à ce que son aspect expérimental peut laisser croire, House a été pensé dès le départ comme un blockbuster par la T?h?. La célèbre société productrice de plusieurs chefs d’œuvre de Kurosawa (dont Les Sept Samouraïs) et de la saga Godzilla cherche en effet à produire la réponse japonaise au succès mondial qu’est Les dents de la mer de Steven Spielberg, tout juste sorti sur les écrans. La réalisation est confiée à Nobuhiko ?bayashi, dont c’est le premier long métrage. Jusqu’à présent, le cinéaste s’est surtout illustré sur des courts mélangeants prises de vue réelles et animation, mais aussi dans la publicité, réalisant de nombreux spots avec des personnalités aussi célèbres que Catherine Deneuve, Kirk Douglas, ou Charles Bronson.
Ce qui frappe à la vision de House, c’est la multitude de tons qui traverse le film. Débutant comme une comédie adolescente, pour basculer dans le drame, puis le fantastique, avant de virer dans le gore décomplexé, c’est une véritable expérience pour le spectateur. Rares sont les films à aller aussi loin dans l’expérimentation, aussi bien visuelle que dans sa tonalité. Si bien que l’on se surprend fréquemment à se dire « que suis-je en train de regarder ? ». Et pour cause, puisque le groupe d’adolescentes doit affronter, entre autres, un chat démoniaque, une tête volante qui attaque sa cible en lui mordant les fesses, un squelette qui danse, ou un piano qui avale (littéralement) sa victime.
Une myriade de tons et de situations qui va de pair avec des expérimentations visuelles complètement folles, renvoyant tous les cinéastes dits expérimentaux au rang d’académiques. Le réalisateur convoque différentes techniques de prises de vue, de formats d’image, de l’animation, et multiplie les expérimentations au montage dans un maelstrom visuel foisonnant. Obayashi s’amuse avec les conventions et avec les visions du spectateur à travers les arrière-plans soit réels, soit peints à la main, jouant ainsi avec la réalité et les visions. Car au-delà de lui donner une identité visuelle unique, toutes ces idées visuelles appuient l’aspect fantastique du film.
House est cependant si radical qu’il peut aisément laisser sur le carreau de nombreux spectateurs. Pourtant, Obayashi convoque à la fois des éléments du fantastique occidental (la maison hantée, les squelettes, toiles d’araignées et vampires), mais aussi d’autres que l’on retrouve dans des Mangas populaires en Occident. Certaines situations absurdes, certains personnages exagérés sont ainsi présents dans tout Manga que l’on a pu lire ou voir en France depuis les années 90. On retrouve ainsi un ours de façon tout à fait normale au milieu d’êtres humains, comme dans Ranma ½, où un panda est l’un des personnages principaux.
Un style unique et complètement fou qui a malgré tout pu traverser les frontières, tant le film se rapproche de la trilogie Evil Dead de Sam Raimi, lui-même mêlant horreur et humour burlesque dans des expérimentations visuelles folles. House n’est peut-être pas le film le plus facile à apprécier, mais il offre une expérience cinématographique absolument unique qui ne laisse pas indifférent.
House, de Nobuhiko ?bayashi. Écrit par Chiho Katsura et Chigumi ?bayashi. Avec Y?ko Minamida, Kimiko Ikegami, Miki Jinbo… 1h28.
Film de 1977, sortie en salles le 28 Juin 2023.