La vie des écrivain·es a toujours fasciné. Qui n’a jamais parcouru les pages d’un livre aimé sans se poser des questions sur l’esprit qui l’a vu naître ? Toujours friand de biopics en tous genre, le cinéma ne s’est pas fait prier pour adapter les tourments de la vie d’auteur·ice à l’écran. Ainsi, entre Jane (Austen, interprétée par Anne Hathaway) et Emily (Brontë, sorti plus tôt cette année) apparait Mary Shelley, ou l’histoire des tribulations de la femme du même nom, autrice du fameux Frankenstein, ou le Promethée moderne.
Si le film se veut biographie, tout ce qui nous est raconté à l’écran n’est qu’une version édulcorée des événements. L’histoire se concentre particulièrement sur la rencontre et la relation entre Mary et Percy Bishe Shelley, poète qui devient très vite son compagnon et plus tard, mari. Problème, Percy est déjà marié ; à partir de ce constat commencent les problèmes de la vision de la réalisatrice. Le but de ces films s’intéressant aux auteur·ices a toujours été de mettre en avant leur esprit de liberté et leur sens de la modernité, deux qualités particulièrement importante lorsque l’on parle de Mary Shelley. Cependant, la plupart des réalisateur·ices prenant en charge de tels projets commettent toujours l’erreur paradoxale d’enfermer leurs personnages dans l’archétype de l’écrivain·e torturé·e, victime de son temps et des évènements dont l’écriture sert de refuge. Or, ce n’est pas le cas de Mary Shelley. Il est impossible de renier son immense talent mais ce dernier peut être mis en avant de la même manière que les aspects plus sombres de sa vie. Haifaa al-Mansour gomme les traits les plus désagréables de Mary Shelley, ce qui contribue à faire du personnage à l’écran quelque chose de fade et de malléable, bien loin de la personnalité complexe de l’écrivaine. Il est toujours bon de le rappeler : inutile de transformer ces personnages historiques en saint·es pour que leur histoire vaille la peine d’être racontée.

Un peu effacée, la mise en scène reste confinée à un classicisme formel qui, encore une fois, semble discordant avec la personnalité et la vie de celle que l’on cherche à mettre en avant. Comment peut-on se retrouver à faire une œuvre aussi guindée avec des personnages comme Lord Byron, John Polidori et Mary Shelley ? La photographie et les décors sont assez ternes, chose que l’on pourrait difficilement reprocher à un film se déroulant durant l’époque victorienne, mais qui crée cependant un ensemble assez fade qui ne marque pas vraiment l’esprit. Fortes du talent de Tom Sturridge, les scènes avec Lord Byron (qui se voit également transformé en parodie de lui-même par le scénario) sont celles qui ressortent le plus ; on regrette amèrement de le voir si peu. Elle Fanning parvient tant bien que mal à se débrouiller avec les dialogues creux mais malheureusement, son interprétation tout comme l’écriture de son personnage manque cruellement de nuance.
Sans être franchement déplaisant, Mary Shelley déçoit amèrement de par le manque de nuance de sa narration. Il semble assez dommage de prendre une figure aussi complexe que celle de Mary Shelley et de l’enfermer dans l’archétype de l’écrivain·e torturé·e vu et revu des dizaines de fois. Un peu plus d’audace aurait été bienvenue dans cet ensemble terriblement classique et passif à tous les niveaux. On se retrouve avec un film parfait pour être visionné un dimanche soir d’automne et oublié dès le lundi matin.
Mary Shelley d’Haifaa al-Mansour. Écrit par Emma Jensen. Avec Elle Fanning, Douglas Booth, Tom Sturridge… 2h.
Sorti le 8 août 2018