Dernier petit bijou de A24, X nous vient tout droit de l’esprit de Ti West, réalisateur américain qui signe ici son dixième film. Plutôt habitué aux productions télévisées ou cinématographiques indépendantes, West fait ici appel à une flopée d’acteur·ices stars avec en tête Mia Goth, Brittany Snow et la jeune Jenna Ortega. Entre road-trip acidulé et frayeurs du soir, le film, très attendu en salles françaises, étonne de par sa tournure narrative et ses personnages plus profonds qu’il n’y paraît, mais ce qui est sûr et certain, c’est que Ti West ne déçoit pas du tout son public.
X se déroule en plein milieu de l’Amérique des années 70 et raconte l’histoire de cinq personnages pour le moins hétéroclites qui se réunissent pour tourner un film pornographique sur la propriété d’un couple âgé qui n’a aucune idée de ce qui se déroule dans leur grange. S’ensuit dès le coucher du soleil une chasse à l’homme sanglante dont tou·tes vont faire les frais.

Si tous les personnages sont intéressant·es, ce sont les femmes sur lesquelles Ti West choisit de s’attarder. Il pourrait être facile dans un film abordant le sujet de la pornographie de les imaginer complètement soumises et dominées par les hommes, mais le réalisateur choisit ici de prendre le contrepied de ce cliché et même de jouer dessus. Dans X, les hommes ont tous les défauts du monde et, loin d’en être les victimes, les femmes s’en servent à leur avantage. Elle jouent constamment sur les faiblesses et la stupidité de ces derniers pour parvenir à leur fins sans se soucier de ce qu’ils peuvent en penser. Les femmes chez Ti West sont libres et l’expression de leur indépendance passe bien évidemment par le sexe qui devient non plus un élément d’oppression, mais d’émancipation. Le sexe, c’est la jeunesse, le symbole même de la liberté de ces femmes, ce qui s’ancre bien dans l’esprit des années 70. Elles ne deviennent plus victimes de leur sexualité mais maîtresses, ce qui leur donne un avantage considérable sur les hommes, avantage dont elles n’hésitent pas à se servir. Les femmes sont détachées de l’emprise des hommes et leur font croire le contraire uniquement pour se procurer ce qu’elles veulent. Il est extrêmement rare de voir un film abordant la pornographie et écrit par un homme prendre ce genre de direction pour l’écriture de ses personnages féminins et la surprise procurée ne fait qu’augmenter le sentiment positif qui se dégage de l’œuvre.
En abordant cette jeunesse libérée, Ti West choisit de la confronter à la génération qui l’a précédée par le biais des personnages de Pearl (la femme du fermier qui possède le domaine) et Maxine, la star du film pornographique. Le parallèle, loin d’être anodin, met les deux femmes face à l’envie qu’elles partagent : la célébrité. Pearl est Maxine, du moins avant que la vie ne l’eût rattrapée et réduite à l’anonymat pour toujours. Toutes deux ont le même désir de liberté, de reconnaissance et d’existence à travers le regard des autres, les choses même que procure la célébrité tant désirée. D’ailleurs, le but de Maxine est clair dès le début : ce n’est pas le statut de star porno qui l’intéresse, mais bien celui de star tout court. Elle veut être connue et se fiche complètement des moyens qu’il lui faudra pour y parvenir. Si Pearl se retrouve charmée et même fascinée par le pouvoir d’attraction qui se dégage de la jeunesse, la détermination et la beauté de Maxine, c’est pour mieux la haïr dès qu’elle découvre les activités du groupe. La haine de Pearl ne vient pas d’une quelconque irritation morale, elle envie Maxine car elle possède tout ce que le temps lui a volé et c’est sur cette haine que les évènements vont prendre racine. Maxine ressort comme pilier du film car contrairement aux autres personnages, elle possède une incroyable force de caractère et c’est cela que l’on admire tant chez elle : sa force tranquille, son absence de doute. Elle sait qu’elle y arrivera car elle est persuadée d’être née pour quelque chose de grand, elle se le répète d’ailleurs constamment : “I will not accept a life I do not deserve”.

L’écriture des personnages fait des merveilles mais ce n’est certainement pas le seul point fort du film qui peut également compter sur une fabuleuse direction artistique, toute en couleur et mettant en valeur le propos du film à travers les tenues désinhibées des personnages féminins et les décors qui les enferment tou·tes. La force principale de l’œuvre réside dans ses interprètes qui rivalisent de charisme et de magnétisme dès que la caméra est dirigée vers elleux. Brittany Snow étonne dans un rôle bien loin de ceux qu’on lui connaît et parvient à donner de la nuance ainsi qu’une grande humanité à son personnage tout comme Jenna Ortega qui confirme son statut de chouchou du genre horrifique après son incursion dans la saga Scream en janvier dernier. Mia Goth quant à elle s’approprie totalement les rôles de Maxine et de Pearl et donne vie aux différentes facettes des personnages avec une aisance et un talent hallucinant·es qui lui permettent de ressortir comme énorme point fort du film.

X, loin d’être décevant, parvient à surpasser toutes ses attentes. Ne se contentant pas de faire un slasher classique ou une comédie potache, Ti West s’approprie le sujet de l’industrie pornographie et l’ambiance 70s pour disséquer ses personnages féminins, rendant chaque femme dans le film indépendante, libre et assumant pleinement sa sexualité. Le tout associé à une trame narrative excellente ainsi qu’à des interprètes solides et talentueux·ses, X est un des ces films qu’il sera difficile d’oublier après le visionnage.
X écrit et réalisé par Ti West. Avec Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow… 1h46
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