[CRITIQUE] Les Deux Alfred : French Tech

Les nouvelles technologies et la start-up nation sont-elles des thématiques qui ont fortement marqué Denis Podalydès ? Aucune idée, mais la coïncidence est folle lorsqu’après avoir été dirigé par le duo Delépine & Kervern et leur excellent Effacer L’historique, c’est sous la caméra de son frère Bruno qu’il développe le sujet. Sous un ton bien plus jovial et lunaire, propre au fraternel, Les Deux Alfred regarde le monde qui nous entoure avec une certaine ironie.

Pour Alexandre, de nouveau au chômage à la cinquantaine passée, la recherche d’emploi est un parcours du combattant. Trouver une profession à un âge avancé n’est pas tâche aisée, surtout quand le monde du travail nous dépasse. En effet, la Start-Up Nation, ses anglicismes insupportables, devient cet enjeu au caractère incompréhensible, nouveau quotidien d’Alexandre. Un métier où rien ne lui est expliqué, où il peut choisir son salaire ne reflétant pas forcément ses compétences mais plutôt sa constante disponibilité, et où l’unique condition qui lui est imposée est la non-parentalité. Le patron considère en effet les enfants comme un obstacle au travail bien fait, et Alexandre doit user de subterfuges pour dissimuler l’existence de ses deux marmots.

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On déambule auprès de ces nouveautés qui vont joncher le quotidien d’Alexandre, et avec elles de nouvelles rencontres proposant une pluralité de points de vue. La plus marquante est celle avec Arcimboldo – interprété par Bruno Podalydès – qui représente tous les travers de l’ubérisation. Lui qui enchaîne les petites boulots – baby-sitter, chargeur de drones, remplaçant de manifestant, etc…- pour une vie de débrouille aide notre héros à traverser cette nouvelle crise. L’arrivée dans cet univers bancal de Séverine, le N+1 d’Alexandre, ajoute un caractère rom-com qui se mêle parfaitement à l’univers rêveur de Bruno Podalydès. Personnage premièrement caractériel, faisant penser à l’archétype de la boss autoritaire forcée d’être psychorigide pour asseoir sa domination sur les autres – on en avait déjà assez avec la scientifique de Poissonsexe -, elle finit rapidement par se mêler au duo de galériens. Un trio de survivant.e.s, qui reprennent le contrôle en se moquant des travers de cette société de plus en plus contradictoire.

Avec un humour léger mais qui se permet toujours d’être cinglant, Bruno Podalydès reste fidèle à ses influences et tourne avant tout une fable sociale, envolée, menée par le personnage qu’il incarne. Arcimboldo est l’archétype de l’inatteignable, ce caractère incandescent malgré la situation qui pourrait le descendre au plus bas. Il porte un constat dramatique – et pertinent – sur les dérives de la Start Up Nation mais qui reste tourné vers l’avenir, teinté d’un espoir naïf mais dont la bienveillance survole le tout. Dommage que cette légèreté empêche le ton des Deux Alfred de réellement décoller.

Car à l’instar de ses précédentes réalisations, et malgré le bon moment passé, Les Deux Alfred s’oublie une fois la porte de la salle franchie. Cinéma de l’instant, ce qui n’est pas tant un défaut au vu du nombre d’œuvres qui nous font passer une mauvaise séance, il manque comme toujours ce petit quelque chose qui pourrait inscrire l’œuvre de Bruno Podalydès dans la postérité. En résulte malgré tout une envie de voir ses films, de savourer ces bulles hors du temps avant de retrouver un cinéma plus concret.

Les Deux Alfred de et avec Bruno Podalydès. Avec aussi Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain, Vanessa Paradis…. 1h32

Sortie le 13 janvier 2021

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