Avec Sound Of Metal, Darius Marder s’intéresse à la perte de repères et d’acquis que peut causer une surdité soudaine. Présenté en compétition au festival de Deauville, le film regroupe nombre de thématiques de l’édition 2020, notamment l’homme face à lui-même, chose que l’on a déjà vu dans Minari.
Ruben, ancien toxicomane, vit son existence de manière précaire, constamment sur les bords de rupture. Remplaçant ses addictions par d’autres, il éructe tous les soirs derrière les fûts, la batterie lui permettant d’expulser ses envies animales. Dans un groupe de Doom Metal avec sa copine Lou, quant à elle juchée derrière le micro et en proie aux mêmes envies de ressenti, Ruben tronque ses pulsions tribales contre des coups de baguettes bien sentis, mais oublie un détail bien important, notamment lorsque l’on est batteur de metal : il aurait peut-être fallu mettre des bouchons d’oreille.
Après un énième concert, nous sommes plongé·es dans la tête de Ruben. Ses acouphènes de plus en plus persistants emplissent le mix sonore, véritable joyau du film. Destiné à nous faire vivre une expérience sensorielle, Sound Of Metal joue de ses attributs sonores, nous fait ressentir la moindre perte auditive, les diverses perceptions qu’un·e sourd·e en devenir reçoit. On comprend cette perte de repères par effet empathique, par une gêne constante pour notre propre conduit auditif. Malheureusement pour nous, ces attributs ne suffisent guère quand la narration se perd dans des effets poussifs, longuets.
On souffre surtout d’un manque de caractérisation concernant Ruben. Ce dernier étant toujours à fleur de peau, dans la soumission acculée à ses épreuves, il n’évolue que très peu, n’apprenant jamais de ses erreurs et ne prenant que peu de choix décisifs. En proie à un domaine médical sans pitié, qui lui propose des solutions sans jamais lui indiquer les contre-expertises à risque, Ruben subit, tout du long. À ce jeu d’expression, Riz Ahmed prête aisément ses traits, lui aussi victime de ce rôle monolithique. Une thématique jouant sur ce temps suspendu pour les anciens addicts, qui sont des bombes à retardement pouvant replonger à tout moment, mais dont on comprend le schéma bien trop rapidement. Un schéma qui devient cyclique, et que l’on aurait volontiers amputé d’une bonne demie-heure, tant les enjeux sont clairs. En parallèle, on se prend de passion pour le parcours de Lou, interprétée par une Olivia Cooke qui vole la vedette à son partenaire masculin dès qu’elle s’empare de l’écran, et dont la repentance nous émeut, bien que beaucoup trop relayée au second plan, complétant le sentiment d’inégalité qui parcourt le spectateur tout au long du visionnage.
D’un traitement pourtant intéressant et loin de manquer de justesse dans ses intentions, Sound Of Metal laisse coi face à ses résolutions. Le film blinde son public quant à l’expérience sensorielle, quitte à en faire trop et à oublier qu’il a une histoire à raconter. Ce qui semble réussi ne suffit pas à compenser le manque évident.
Sound Of Metal, de Darius Marder. Avec Riz Ahmed, Olivia Cooke, Mathieu Amalric… 2h
Sortie prochainenement
[…] travail sur le son. Cette attention, qui nous fait penser au Chant du loup ou, plus récemment, à Sound of metal, propose une immersion complète : nous sommes constamment avec Mathieu, dans cette perception […]