Entre être compétent et se faire exploiter la frontière est très fine, les entreprises l’ont bien compris. Ce n’est que récemment que les problèmes du harcèlement au travail ou des pressions psychologiques sont enfin abordées de manière récurrente. Des situations qui peuvent pousser à la dépression, au burn-out ou encore au suicide dans les cas les plus extrêmes. Mais s’il y a bien une catégorie de personnes qui sont d’autant plus touchées par ce problème, ce sont les femmes. Un sujet fort qui prête à discussion après avoir vu The Assistant.
Jane a un rêve, celui de devenir productrice. Mais pour atteindre ce niveau il va falloir – comme beaucoup de monde – commencer par le bas. La voilà donc assistante d’un gros bonnet du divertissement. Et comme n’importe quelle assistante, les tâches ne sont jamais bien intéressantes et parfois même ingrates. L’oreille vissée au téléphone pour décaler un rendez-vous et commander un sandwich, à la photocopieuse, en train de faire les plannings, ramasser les déchets laissés par les collègues dans la salle de repos… même baby-sitter ! Autant dire que Jane va rapidement déchanter mais elle s’accroche. Elle est douée, et même son patron le dit. Les contraintes sont épuisantes, la gente masculine qui travaille avec elle la regarde avec dédain et cet équilibre précaire vole en éclat lorsqu’une nouvelle assistante débarque.
The Assistant vaut vraiment le coup qu’on s’accroche malgré sa longue exposition. De longues minutes à suivre Jane en silence. Première arrivée, prenant son petit-déjeuner, préparant tout ce qu’il faut pour son patron… Des automatismes qui démontrent d’une déshumanisation totale de cette jeune fille qui ne semble vivre que pour ce travail. Une fois passée ce bon quart d’heure contemplatif, la tension et la sensation que quelque chose ne tourne pas rond s’insinue très doucement par bribes. Que ce soit Jane obligée de faire un mail, quasiment dicté par ses collègues, à son patron pour s’excuser d’avoir parlé à sa femme au téléphone – ce même collègue qui l’engueule car elle s’est trompée de sandwich -. À l’arrivée de la nouvelle assistante, le film se permet de jouer sur un autre tableau (tout aussi relié au premier) : la compétition qui peut s’installer entre deux jeunes femmes.

Alors qu’elle se sent déjà oppressée par ce milieu qui ne lui accorde que peu de crédit, l’arrivée d’une jeune femme plus belle, plus jeune, sans aucune expérience et en plus logée dans un hôtel de luxe ne va pas arranger les choses. Se sentant en danger, Jane accourt aux ressources humaines pour leur faire part du problème tout en évoquant les nombreuses tromperies de son patron. Sauf que dans la chaîne alimentaire, Jane est tout en bas et n’a rien à dire, sauf si elle veut perdre son poste. Intimidations et pressions psychologiques sont faites sur cette pauvre Jane, toute frêle et effrayée. Il est d’ailleurs intéressant de voir un personnage qui ne prend pas sa vie en main. Il est souvent commun que le personnage principal subisse un déclic lui permettant de rebondir et de s’affranchir de la situation dans laquelle il se trouve, mais pas ici. Tout le monde n’a pas forcément les épaules pour se rebeller. Dans ce rôle si fragile, Julia Garner est absolument épatante.
The Assistant n’est là que pour offrir une réflexion sans donner de solution à son héroïne qui après une – très – longue journée éreintante, s’éloigne au loin dans la neige pour probablement recommencer ce même schéma infernal le lendemain. Et c’est à l’image de ce certain désespoir et pessimisme que le film brille dans son propos et son envie de montrer un côté plus sombre du travail. C’est loin d’être parfait mais pour un tel sujet on ne peut que saluer le parti pris original.
The Assistant de Kitty Green. Avec Julia Garner, Matthew Macfayden… 1h27
Sortie prochainement
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