« Le film qui va vous donner envie de revenir en salles ». Avec une telle accroche, pourquoi hésiter ? Peut-être pour les couleurs jaunes et bleues, omniprésentes sur l’affiche, qui rappellent l’apanage des pires comédies françaises (et encore, Christian Clavier n’est pas là) ? Parce qu’Arnaud Ducret, ça ne présage jamais rien de bon ? Parce que Fatal était clairement l’éclat de génie qui n’arrive qu’une fois, et qu’on s’est déjà fait méchamment berner avec Vive La France ? Tout ça, et pire encore.
On ne va pas y aller par trente-six chemins, Divorce Club, c’est dégueulasse. L’archétype de la comédie française de bas étage, à coup de « Le héros a un secret impliquant la femme qu’il aime et son meilleur ami et il ne faut pas qu’il le dévoile », un délire qu’on a déjà vu des centaines de fois, et qui à part un ton encore plus graveleux qu’à l’accoutumée n’a pas le mérite d’essayer d’en proposer une relecture. Le scénario est sur d’énormes rails, que l’on voit venir à des kilomètres, et si ça pourrait ne pas être un souci – après tout, la comédie française a aussi son panel de gimmicks, et peut se rattraper, à défaut d’originalité, par d’autres charmes -, ici tout est fait pour enfoncer l’enclume et la rendre plus lourde encore. Tout est éculé, avec une blague réchauffée à la seconde – la seule qualité du film, tenter de faire rire à chaque phrase, ce qui peut faire esquisser quelques sourires parmi la gêne ambiante -, et rien ne fonctionne. À commencer par les personnages. Dommage, c’est exactement ce qui devrait être le point fort, d’autant que Michaël Youn a prouvé par le passé ne pas être un manche sur ce point.

On suit donc Ben, qui apprend l’adultère de sa femme – avec son patron, évidemment – lors d’une après-midi cocktail au boulot de cette dernière et un mauvais concours de circonstances impliquant des micros. Tout l’auditoire entend l’acte. On pourrait croire qu’il s’agit de Nicolas et Bruno s’entraînant à redoubler un mauvais porno pour À La Recherche De l’Hyper-Sexe 2, mais passons, on se fout de sa gueule, car l’adultère c’est rigolo, et le pauvre Ben perd tout. Par chance, il retrouve Patrick, son poto de longue date, qui lui propose une colocation, et le convainc que la monogamie à tout prix, c’est pas bien jouasse. Il devient un petit trublion, mais finit par retrouver l’amour, et avec lui le début des emmerdes. Pour incarner Ben, un Arnaud Ducret qui, comme souvent quand il tente la comédie, n’a rien de convaincant. Un jeu pataud, totalement surfait, qui n’atteint jamais la justesse y compris quand le surjeu est supposé de mise. Forcément, le comique de situation ne fonctionne pas, et François Xavier-Demaison a beau faire son possible, le duo n’a aucun charme.
Des personnages secondaires uniquement basés sur des archétypes, qui ajoutent à la gêne générale, et auxquels on ne s’attache pas. Ce n’est que vers des protagonistes encore plus annexes – Frédérique Bel et Claudia Tagbo en tête – que l’on peut trouver une once d’intérêt, dans des séquences qui pour le coup valent le détour. À croire que si Divorce Club avait été pensé en film à segments, sans sa trame principale qui plombe le tout, il y aurait eu moyen de s’amuser. Le ton se veut irrévérencieux, volontairement sans limites, mais la pauvreté de l’écriture pêche. Les gags ne trouvent jamais leur rythme, leur profusion dissimule la misère, et le peu de fois où ça fonctionne – le running gag avec le lémurien, à la grande limite, fait pouffoter – ne représente quelques secondes où l’on s’évade. À ce ton jamais maîtrisé s’ajoutent des boutades profondément gênantes, une volonté du réalisateur de « rire de tout », mais qui au milieu de blagues pipi-caca font tâche, voire tournent vers le malsain pour un film qui veut rester dans l’encart de la comédie romantique moralisatrice. Ainsi, quand un personnage s’exclame « Je suis aussi excité qu’Harvey Weinstein avant un casting », on se demande clairement ce que ça fout là. Après s’être pris pour le nouveau membre de Jackass, Michaël Youn pense qu’il peut tenter d’être un mélange entre Seth Rogen et Trey Parker et maîtriser le subversif. Désolé poto, t’en as ni le talent, ni les couilles.

Quoique, des couilles, il en a, le père Youn, quant à ses affirmations bien senties durant la promotion du film. En effet, on le verra arborer tout fièrement la carte féministe, affirmant que pour le personnage d’Albane, campé par Audrey Fleurot, il a voulu écrire le rôle d’une femme forte, sûre d’elle, déclamant ses volontés de liberté sexuelle à tout va. Sur le papier, c’est le cas, et si le personnage n’est pas bien développé, et ne se concentre une fois encore que sur cet archétype, ça fonctionne. Mais alors que dire de Gisèle (Charlotte Gabris), la meilleure amie de Marion, intérêt amoureux de Ben, et ex de Patrick. Elle est professeur de MMA, féministe effarouchée et hystérique. Elle veut rentrer dans le lard dès la première phrase de travers et, étant lesbienne – donc forcément bonhommique (ou camionneuse, comme disent les cons), parce qu’une lesbienne qui fait de la MMA ne peut pas avoir une once de féminité, voyons ! – , ne boit que de l’eau et est végane. Vu la façon dont le personnage est décrit, constamment moqué jusque dans la mise en scène, en appuyant sur chacun de ces traits comme si tout l’enfonçait, et le fait qu’elle soit l’antagoniste du héros, on le voit vraiment féministe, l’ami Youn, qui rit encore de l’accumulation de clichés éculés ? Tarek Boudali et Philippe Lacheau étaient dans la pièce au moment de l’écriture, ou bien ?
Alors c’est ça, la comédie réussie de l’année ? Le triomphe au festival de l’Alpe d’Huez ? Le film qui ose rire d’un problème adulte que l’on ne traite jamais par le prisme de la comédie et qui le fait si bien ? Pas vraiment. La seule chose que l’on peut accorder à Michaël Youn, au-delà de son humour d’ado attardé qui à 40 ans pense encore en avoir 13, c’est son énergie, sa volonté de constamment faire des tentatives de mise en scène qui peuvent, du moins visuellement, montrer qu’il y a quelqu’un derrière la caméra. Mais la cordelette qui le maintient en l’air a beau être jolie, c’est tout de même un seau de merde qu’on se reçoit dans la gueule. Et le même que d’habitude, qui plus est.
Divorce Club, de et avec Michaël Youn. Avec aussi Arnaud Ducret, François-Xavier Demaison, Audrey Fleurot… 1h48
Sorti le 14 juillet 2020