Créé dans les années 70, le jeu de rôle Donjons & Dragons est l’un des premiers jeux de rôles médiéval fantasy à connaître des règles aussi détaillées que précises. Au fil des années, le jeu de rôle s’est étoffé et son média a quitté les tables des rôlistes pour gagner les bibliothèques, la télévision et bien évidemment le cinéma. Cette année, une nouvelle itération jette ses dés sur grand écran avec Donjons & Dragons – L’honneur des voleurs proposé par les réalisateurs Jonathan Goldstein et John Francis Daley (Game Night et Vive les vacances).
Edgin, ménestrel et père de famille comblé, voit son monde s’effondrer lorsque sa femme est assassinée par des sorciers rouges qu’il était chargé d’arrêter. Pour subvenir au besoin de sa fille Kira, il se lance dans une carrière de voleur avec une petite bande éclectique jusqu’à ce qu’un cambriolage tourne mal.

Adapter Donjons et Dragons est un jeu dangereux. Avec trois tentatives depuis le début des années 2000, il semble clair que l’univers du jeu de rôle papier s’intéresse aux salles obscures mais on ne peut pas dire que la réciproque soit pour autant une réalité. Véritables nanars ou vraies adaptations calamiteuses, la franchise n’a pas été épargnée ces dernières années. Elle disparaît des écrans en 2012 avec son lot de traumatismes liés à Jeremy Irons en roue libre sur des fonds verts. Il est naturel que ce nouveau métrage soit accueilli avec la plus grande défiance des aficionados qui s’attendent une fois de plus à la stupeur et à la déception.
Et pourtant, il serait dommage que l’on juge cette version à ses aînées. Donjons et dragons est un univers vaste et complexe qui crée un écueil majeur. L’adapter en voulant lui rester fidèle et contenir l’intégralité de son compendium, c’est se condamner à décevoir et les fans et les néophytes. Les réalisateurs semblent avoir compris ce principe et ils proposent une aventure balayant certes les archétypes et races de personnages jouables dans le jeu original, mais en se dispensant de vouloir nous compter la grande histoire et multiplier les clins d’œil sans fin aux personnages historiques. En ressort une aventure que l’on imagine se dérouler dans un vaste monde empli d’événements cruciaux, mais qui reste attachée à ses personnages.

La modestie est la grande qualité de cette adaptation, mais aussi un effet d’aubaine pour les cinéastes qui peinent à tenir la promesse de nous offrir du grand spectacle de medieval fantasy. Dans l’ensemble, les effets servant à donner vie à cet univers et à ses différentes races le peuplant sont plutôt réussis. Cependant, les scènes de combats et d’affrontements troquent le spectaculaire pour de fades plans séquences au plus proche de l’action et le métrage se perd trop souvent dans les intrigues secondaires pour donner une véritable profondeur à la quête principale de ses héros. Donjons & Dragons – L’honneur des voleurs crée une balance dans laquelle son rythme agréable nous emporte uniquement pour nous perdre dans la sur-écriture des scènes explicatives du scénario.
Toutefois, à l’instar du jeu de rôle, une histoire, quelle que soit sa qualité, ne tient que par la force de ses personnages. Avec un casting étonnant mélangeant Chris Pine, Michelle Rodriguez ou encore Hugh Grant, les spectateurs ont de quoi émettre là encore quelques doutes sur la direction du long-métrage. Chacun épouse parfaitement le rôle stéréotypé pour lequel il a été casté et si l’on regrette ardemment le choix de faire reposer une partie de l’humour du film sur les petites blagues poussives de Edgin (Chris Pine), on se plaît particulièrement à voir Hugh Grant jouer une fois encore le vilain imbu de lui-même ou Michelle Rodriguez dans le rôle d’une barbare moins caricaturale qu’attendu. Certaines directions d’acteurs sont regrettables, mais l’ensemble se tient et offre une cohérence de style que l’on ne boude pas.

Grâce à un passif de la franchise calamiteux et à une adaptation astucieuse, Donjons & Dragons – L’honneur des voleurs parvient à nous faire passer un moment agréable malgré des aspects perfectibles. Divertissement ancré dans son époque aux ambitions jamais acquises, il n’en demeure pas moins une belle porte d’entrée et une jolie balade dans le vaste monde des rôlistes. Peut-être que la suite qui semble s’annoncer arrivera à lier donjons, dragons et audace cinématographique. En attendant, nous continuons de griffonner nos inventaires sur des feuilles de personnages et à jeter nos poignées de dés pour explorer l’univers.
Donjons & Dragons – L’honneur des voleurs, de Jonathan Goldstein et John Francis Daley, avec Chris Pine, Michelle Rodriguez, Regé-Jean Page, Justice Smith, Sophia Lillis, Hugh Grant…
Sortie en salles le 12 Avril 2023, 2h14