Les films sur la Seconde Guerre Mondiale, cette plaie moderne. Non pas que le sujet soit inintéressant, au contraire, mais il semble tellement éculé que ça en devient indécent. D’autant plus lorsqu’il se fait le théâtre d’un cinéma voyeuriste, prenant son/sa spectateur·ice pour un·e inculte en histoire, et qu’il peut balancer tout le misérabilisme possible sans ménager ses artifices ni cacher sa honte. Après tout, des enfants sont mort·e·s, le public est donc acquis et chiale quoi qu’il arrive.
Mais enfin, qui a envie de voir un film sur le Mime Marceau résistant ? À quel moment est-ce que Marcel Mangel, qui à l’époque commençait à peine son activité clownesque, et a juste été un résistant parmi tant d’autres dont on a déjà conté l’histoire – et des gus connus en après-guerre, y’en a eu à foison -, est devenu une plu-value qui a semblé indispensable à des financier·e·s haut placé·e·s ? On ne sait pas trop ce qui leur est passé par la tête, mais après s’être tapé La Rafle ou plus récemment Un Sac De Billes, qui tapent dans les fonds de tiroir du misérabilisme chialeur, on n’était pas pressé·e à l’idée de voir Resistance. Comble du mauvais goût, l’idée de porter sur grand écran le récit résistant du célèbre mime est américaine, avec Jesse Eisenberg dans le rôle-titre. Et si voir l’homme à la palette de jeu calibrée pour un seul rôle – et encore, on l’aime bien, l’ami Jesse – vous convainc quand même, voyez plutôt :

C’est pas bien beau, comme dirait l’autre. Mais fi des considérations premières, acceptons le métrage tel quel. L’histoire commence en 1938, lorsque des soldats nazis pénètrent dans une maison juive allemande pour y éliminer ses occupant·e·s. On y voit cette pauvre gamine, qui s’écrie dans un parfait anglais – oui, il n’y a que les méchants nazis qui parlent allemand, les gentil·le·s allemand·e·s parlent anglais, c’est bien connu – “Papa, Maman, pourquoi les nazis nous détestent ? -. Premier dialogue du film, et conscience que l’on va avoir droit aux gros violons pendant deux heures. Après tout, pourquoi s’en priver ? Le film s’évertue à grossir les traits, à forcer des instants de noblesse supplémentaires envers ces résistant·e·s alors que résister était déjà une sacrée prouesse dans le régime de Vichy. Mais ça ne s’arrête pas là, avec le métrage qui s’amuse aussi à dépeindre les nazis comme des fous sanguinaires prenant du plaisir chaque fois qu’ils arrachent un doigt de pied. On se doute évidemment que Klaus Barbie n’était pas un tendre – d’autant que sa capacité à être partout à la fois en dit long sur les avancées de la Wehrmacht en terme de téléportation -, on se risquerait même à dire que sa capacité de tortionnaire n’a eu que peu d’égale, mais tout de même, doit-on tomber dans la caricature ?
Mais là où le film bat encore de sacrés records, c’est dans sa construction narrative. En témoigne dès la seconde scène ce cher Ed Harris, ici sous les traits du non moins célèbre général Patton, qui conte à ces soldats le fait que leur sacrifice n’est pas vain car l’histoire de Marcel Marceau est, quant à elle, exceptionnelle, et vaut tous les déploiements militaires. Choisi comme un narrateur qui nous accompagne tout au long de l’aventure – et vendu comme tel dans le film-annonce -, il est immédiatement abandonné, pour le retrouver sur la séquence finale, avec un beau “Et voici son histoire” – l’ami Ed, s’il a enregistré une voix off complète, a encore du défoncer le plateau lorsqu’il s’est vu coupé au montage. Et ce pour être remplacé par de vulgaires panneaux expliquant le contexte inter-scènes, des éléments dramatiques que le réalisateur a eu la flemme de montrer, avec des informations excessivement génériques et une carte de France pour accentuer l’effet PowerPoint. Comme on l’a dit plus haut, on est pris pour de sacré·e·s con·ne·s sans aucune connaissance de cette fameuse guerre. On pourrait apprécier le caractère didactique s’il n’était pas fait avec de si gros sabots.

Pourquoi donc le Mime Marceau ? Ce cher Marcel, au-delà de sa capacité à faire rire les gosses par quelques grimaces, n’utilise jamais ses capacités ayant fait sa renommée. Il ne s’agit pas non plus d’un personnage connu ayant quitté et risqué confort et célébrité pour s’engager dans la résistance. Un personnage choisi au hasard donc, histoire de raconter un énième récit sur la guerre, ce dernier n’ayant aucun intérêt si ce n’est celui de continuer à creuser des poncifs pourtant déjà sur la ferraille. Des moments de bravoure qui auraient pu avoir un impact si tout n’était pas appuyé jusqu’à l’outrance. Mais comme le dit le panneau final, des enfants sont mort·e·s, nous sommes donc obligé·e·s d’aimer ce film pour rendre honneur à leur mémoire. Ou pas.
Resistance, de Jonathan Jakubowicz. Avec Jesse Eisenberg, Clémence Poésy, Félix Moati…2h02
Sortie prochaine