Voilà déjà sept longues années que le Studio Ghibli nous a offert l’adaptation du roman de Joan G. Robinson : Souvenirs de Marnie, second long-métrage du réalisateur Hiromasa Yonebayashi, après un Arrietty, Le Petit Monde Des Chapardeurs globalement bien accueilli par la presse et les spectateurs. Dernière production du studio nippon, jusqu’au prochain Aya Et La Sorcière annoncé courant 2021 et déjà présenté en séance spéciale au Festival de Gérardmer.
Le récit est celui d’Anna, une jeune fille solitaire qui se considère “hors du cercle” contrairement à la plupart des enfants de son âge. Afin de remédier à une certaine forme de tristesse qui commence à voir le jour en elle, sa mère adoptive, sur les conseils du médecin, décide de l’envoyer prendre des vacances dans un village proche de Sapporo où elle va pouvoir, entre autre, s’exercer au dessin. Mais elle fait une rencontre qui bouleverse sa vie, celle de Marnie, une jeune fille blonde des plus étranges…
Dès ses débuts, le film nous plonge dans une ambiance des plus bienveillantes, la petite Anna arrivant dans la demeure campagnarde de la famille Oiwa, le regard pourtant toujours aussi inexpressif. Au fil du temps et des rencontres, son visage évolue, permettant à un petit sourire de naître sur le visage de l’enfant. L’aura mystique fonctionne magnifiquement bien, le manoir du marais représentant un lieu aussi fascinant dans son abandon au sein du village, que dans la manière qu’il a de s’animer la nuit venue.

Comme toujours au sein de la filmographie du studio, l’animation est extrêmement soignée, mais ce qui permet vraiment au film de Yonebayashi de se démarquer des autres productions, c’est le rapport très sain qu’il entretient avec le cinéma classique, convoquant autant le Fedora de Billy Wilder que L’Aurore de Murnau. En donnant à son récit ce lien avec ces souvenirs du passé, le film accentue son côté surréaliste. Si on comprend assez rapidement que Marnie est fantasmée par Anna, on ne saisit pourtant pas toute la complexité sentimentale de leur relation ni ce qu’elle va apporter dans l’évolution psychologique de cette dernière.
La force du métrage vient aussi de sa capacité évidente à jouer avec les genres, jonglant formellement et narrativement du pur drame au film fantastique, en passant par le cinéma d’horreur. Si on ne peut véritablement le qualifier de film à twist, il faut bien avouer que les dernières révélations concernant les Souvenirs de Marnie permettent une montée émotionnelle puissante, amplifiée par la magnifique bande originale de Takatsugu Muramatsu (Lou et l’Ile aux sirènes), qui remplace la compositrice française Cécile Corbel présente sur Arrietty.
De par son statut de “dernier” film d’animation de Ghibli, si on omet la coproduction La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit, et son parti-pris narratif fragmenté à l’image de la mémoire de son personnage principal, Souvenirs de Marnie est une œuvre fascinante et débordante de poésie, aussi douce qu’amère. Si encore aujourd’hui, il est triste de voir que le réalisateur s’est tourné vers le Studio Ponoc pour réaliser les très oubliables Mary et la Fleur de la Sorcière ainsi que Héros Modestes, on peut toujours lui souhaiter la création d’une nouvelle œuvre saisissante, en attendant des nouvelles de Comment Vivez-vous ?, ce que l’on espère être une nouvelle merveille d’Hayao Miyazaki.
Souvenirs de Marnie, d’Hiromasa Yonebayashi. Avec les voix de Sara Takatsuki, Kasumi Arimura, Nanako Matsushima… 1h43
Sorti le 19 juillet 2014