Au milieu de l’usine hollywoodienne, de ces réalisateur·ices qui se copient les un·es les autres, il est bon de voir un·e auteur·ice se détacher par une patte qui plait autant qu’elle divise mais qui offre à ses métrages un caractère unique, que l’on identifie immédiatement. Wes Anderson est ce genre virtuose au travail dont l’attente génère toujours nombre d’émois, il n’y a qu’à voir les réactions face au casting de French Dispatch, son prochain effort. C’est d’ailleurs ce qui fait l’apanage de ses métrages depuis un bon moment : le casting grandiloquent.
L’avantage dans The Grand Budapest Hotel, c’est que ce casting, mis énormément en avant et qui remplit l’intégralité de l’affiche, sert d’annexe, de prétexte pour s’amuser tant chaque acteur·ice de renommée, à l’exception de Ralph Fiennes, ne se contente que d’une petite apparition tel un clin d’oeil jouissif et apprécié à sa juste valeur. On jubile de voir Harvey Keitel ou Bill Murray, trop rares de toute façon, et qui nous font plaisir à chaque présence.

On plonge à nouveau dans l’univers coloré, bigarré du dandy texan, et surtout dans une dimension perfectionniste où chaque détail est travaillé avec la même minutie. Après une volonté d’aller encore plus loin dans ses gimmicks avec Fantastic Mister Fox, s’éloignant des plus sages La Famille Tenenbaum ou The Darjeeling Limited – pour ne citer qu’eux ! -, Wes Anderson se noue définitivement avec son envie d’orfèvrerie, où la symétrie fait foi, et où chaque plan qui ne sera pas un tableau à lui seul n’a pas lieu d’être. L’abondance de détails se mêle gracieusement à la multitude de thématiques : l’amour, l’honneur par le travail, le mérite quant à un héritage moral, une parentalité qui se fait par l’affinité et non par les liens du sang, l’attachement voire la passion envers un lieu qui nous anime. Monsieur Gustave et Zero vont à eux deux incarner ces concepts, les questionner, et leur donner leur sens.
On suit ces personnages totalement atypiques lorsqu’ils essaient de se dépêtrer d’un enjeu qui les dépasse et se retrouvent dans des situations rocambolesques. Une enquête dont ils sont les suspects, où ils vont devoir s’innocenter mais aussi trouver les coupables tout en dissimulant leurs potentielles implications douteuses. Par nombre de situations qui jouent sur l’absurde – la fuite en ski, pour l’exemple -, le récit enchaîne les trouvailles scénaristiques pour constamment renouveler son visuel, et nous offrir un spectacle de tous les instants, qui nous tient en haleine tout du long. Un film qui nous semble bien plus long que son heure quarante tant il est complet. Et c’est là qu’on applaudit le maître : à aucun moment, malgré la richesse de dialogues débités par un Ralph Fiennes bien en forme, la photographie sublime et son amoncellement de couleurs, une caméra qui virevolte en constance, on ne trouve qu’il y en a trop – et pourtant, il y en a trop ! – , que ça commence à devenir lourd, qu’il est temps que ça s’arrête. Tout est travaillé, léché au possible par un auteur qui avait un plan bien complexe en tête mais qu’il réussit à parfaitement exécuter.

On peut même se demander si ce “jusqu’au-boutisme” peut poser problème, et qu’à force de décliner son style très reconnaissable, Wes Anderson n’en atteindra pas la limite. L’Île Aux Chiens commence d’ailleurs à éculer les poncifs, mettant toujours en scène des copains qui cette fois-ci ne servent qu’à indiquer le prestige sur l’affiche, mais la suite se fait attendre, toujours avec la même impatience.
The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson. Avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, Saoirse Ronan…1h40
Sorti le 26 février 2014
Texte datant de 2014, remanié pour être publié dans nos pages
[…] (Bob Balaban) accentue cet aspect hors de toute temporalité. Comme il le montre aussi dans The Grand Budapest Hotel ou L’Île Aux Chiens, Wes Anderson est un amoureux de ces histoires intemporelles qui peuvent se […]