Sorti en 2009, Jennifer’s body est la première escapade de Megan Fox loin de la caméra de Michael Bay et autres Transformers. Le virage est total pour l’actrice qui trouve un rôle à la hauteur de son image de sex-symbol dans celui de Jennifer Check. Loin d’utiliser Fox de manière superficielle, la réalisatrice Karyn Kusama utilise l’image de cette dernière comme arme et appât, telle que le fait son personnage principal dans le film qui, loin d’être le rape and revenge que certain·es voient en lui, questionne et choque son audience à travers le cliché et fantasme américain ultime, visité et revisité des centaines de fois dans le cinéma d’horreur : la jeune adolescente.
Jennifer’s body relate l’histoire d’Anita “Needy” Lesnicki (jouée par Amanda Seyfried), jeune fille gauche et peu sûre d’elle, totalement sous l’emprise de sa meilleure amie Jennifer, belle, confiante et extravertie. Les ennuis commencent lorsque Jennifer est kidnappée et sacrifiée par un groupe de rock dans un rituel satanique avant de revenir miraculeusement possédée par un démon mangeur d’hommes.
Il est intéressant de constater que le film s’éloigne d’une simple histoire de rape and revenge comme Promising Young Woman peut l’être pour se rapprocher plus de l’idée générale de l’adolescence chez les jeunes filles. L’histoire prend le contrepied d’un Virgin Suicides, dont le point de vue reste masculin et volontairement édulcoré. Jennifer’s body prend le parti du gore, du sang et de l’horreur et se met ainsi à la place d’une jeune adolescente comme son personnage principal : belle, agissant de manière mature bien que manifestement encore naïve, une naïveté qui disparaît dès que le démon prend possession d’elle, ce qui n’est pas anodin lorsque l’on sait que cela arrive après son sacrifice, mis en scène comme un viol où les agresseurs l’immobilisent, la pénètrent avec un couteau et se débarrassent d’elle dès qu’ils en ont fini. Le parcours de Jennifer n’est pas vraiment celui de la vengeance, elle ne cherche jamais à nuire à ses agresseurs (constamment mentionnés dans le film). Sa réaction est celle d’une jeune fille absolument furieuse à la découverte des multiples manières dont les hommes peuvent utiliser son propre corps contre elle. Ce n’est pas par hasard qu’elle nage nue après son premier meurtre. Personne n’est là pour la juger, lui faire du mal ou la sexualiser : elle reprend le contrôle précédemment perdu de son corps. Logiquement, lorsque la balance de pouvoir est inversée, elle s’attaque à la forme de danger la plus primaire qu’elle n’ait jamais connu, ceux qui la harcèlent et l’apostrophent dès les premières scènes dans le bar au début du film : les hommes.

C’est bien là où toute l’intelligence du casting de Megan Fox se révèle : comme Jennifer, elle retourne sa propre image de sex symbol contre celleux qui ne voient que cela. Son corps, utilisé ainsi dans Transformers, devient à présent son arme. À sa performance absolument fascinante de complexité et de balance entre le drame et la comédie qui peuple le film s’ajoute une alchimie indéniable avec Amanda Seyfried, elle-même fraîchement sortie de teen movies clichés comme Mean girls. Les deux actrices parviennent à représenter avec brio le lien qui se crée entre deux amies depuis l’enfance. Ce n’est pas pour rien qu’elles se décrivent constamment comme sœurs à travers le film : qui d’autre pourrait aimer et haïr avec autant d’intensité, qui d’autre pour partager les premiers émois de l’adolescence ? Le film jongle avec brio entre l’amitié et l’inimité présente dans leur relation et l’intimité profonde qui en sort, pour un résultat qui contribue à l’humanisation de son personnage principal. Les scènes alternent entre horreur pure lorsque Jennifer dévore un garçon de sa classe et la tendresse d’un moment entre deux meilleures amies. Le changement est bien représenté par la colorimétrie et la manière qu’a la réalisatrice de filmer les meurtres de Jennifer. La caméra est constamment centrée sur elle et on comprend très vite qu’elle a le pouvoir ou bien, de manière plus délicate et sentimentale, qu’elle est au centre du monde de Needy.

Comédie horrifique par excellence, Jennifer’s Body vient parler avec intelligence des maux qui composent la vie d’une adolescente et propose à travers son personnage principal une alternative aux rape and revenge classiques où la victime reprendrait le contrôle de son corps et deviendrait elle-même agresseure. Le rôle de Jennifer, écrit sur mesure pour son actrice, permet à Megan Fox d’enfin trouver un rôle à la hauteur de son talent d’actrice et lui permettant de retourner son image pour se la réapproprier. Intelligent, drôle et pas assez apprécié à sa sortie, le film a tenu le test du temps malgré ses répliques très référencées (“Waw, nice comeback Hannah Montanah“) et vaut largement le détour, ne serait-ce que pour l’excellente performance de Megan Fox.
Jennifer’s Body écrit par Diablo Cody. Réalisé par Karyn Kusama. Avec Megan Fox, Amanda Seyfried, Johnny Simmons. 1h45
Sorti le 21 octobre 2009