[CRITIQUE] Little Girl Blue : Tout sur ma mère

Pour son quatrième long-métrage au cinéma, Mona Achache continue d’explorer les personnages féminins avec, cette fois, une histoire très personnelle. Elle engage Marion Cotillard pour jouer/interpréter/reproduire les paroles et les gestes de sa mère. Un dispositif assez saisissant, proche du documentaire, sur le travail d’incarnation.

À la mort de sa mère Carole, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres et d’enregistrements, mais ces secrets enfouis résistent à l’énigme de sa disparition. Par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation, elle décide de la ressusciter avec l’actrice Marion Cotillard.

À travers sa filmographie, la réalisatrice montre son éclectisme dans le choix de ses projets. Elle oscille entre des commandes pour TF1 avec la série HPI ou le téléfilm Champions avec Kendji Girac (vous avez bien lu) et quelques sorties cinéma, elles aussi très différentes (Les Gazelles en 2014 ou Cœurs vaillants en 2022). Sa présentation de Little Girl Blue a de quoi étonner et apeurer tant le procédé semble bancal s’il n’est pas maîtrisé : vouloir faire revivre sa mère par le talent de Marion Cotillard. Pourtant, tout fonctionne (presque) parfaitement.

L’actrice oscarisée n’est pas seule à l’écran, rompant ainsi la volonté de la simple incarnation d’une femme face à des souvenirs et des écrits. Mona Achache s’installe dans le rôle de la réalisatrice, brouillant le regard du/de la spectateur·ice entre le documentaire et la fiction, tentant de diriger son actrice mais, surtout, de retrouver sa mère. La toute première scène installe parfaitement le décor : Mona ouvre la porte, laissant entrer Marion Cotillard, et lui demande de se dévêtir pour enfiler les habits de sa mère. Si le procédé de mise en scène semble basique, il apparaît nécessaire pour faire adhérer le/la spectateur·ice à cette façon de raconter, linéaire dans le récit mais dissonant dans la mise en scène presque théâtrale de l’autrice.

Crédit photos : Tandem

Mona Achacha installe l’appartement où navigue l’actrice/sa mère comme un plateau de théâtre mais pas comme one woman show car la voix originale de Carole se fait souvent entendre alors que c’est l’actrice qui parle, une manière de rappeler que l’incarnation est importante mais que la désincarnation, essentielle, passe aussi par une authenticité, ici vocale. C’était l’une des craintes au départ : comment oublier, dans ce procédé narratif et visuel, la présence de Marion Cotillard et n’y voir que son personnage ? Tout part des enregistrements audios ou vidéos que Mona a trouvé, plaque tournante du récit. Le fait de garder la voix originale permet de conserver la distance nécessaire par rapport à Marion Cotillard. Si bien que la voix de l’actrice se fait le plus souvent entendre lorsqu’elle n’est plus la mère de Mona, dans les moments off où elles parlent du film ou juste d’autres choses dans des moments de respiration.

Si le dispositif peut laisser en dehors certain·es spectateur·ices, on ne peut qu’apprécier la sensibilité du propos de Mona Achache. À travers la prise de parole de sa mère par l’incarnation de Marion Cotillard, elle évoque des sujets toujours d’actualité (le viol conjugal, la misogynie…) qui permettent de comprendre le chemin parcouru. Même si certaines scènes paraissent poussives et répétitives, la proposition de cinéma reste assez forte pour garder nos sens éveillés avec cette histoire personnelle d’une femme qui raconte le chemin de beaucoup d’autres.

Little Girl Blue réalisé et écrit par Mona Achache. Avec Marion Cotillard, Mona Achache. 1h35

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