Panique chez les Sanghera ! En moins de temps qu’il ne faut à Naveen pour enfiler son casque de vélo, c’est son quotidien qui est bouleversé, exposé, explosé. Dans The effects of lying, on ne parle pas d’un terrible mensonge qui gangrène l’espace familial mais d’un carambolage d’éléments qui ne peuvent que résulter en une dislocation totale. Le tempo comique qui les amène à se rencontrer promet une comédie acerbe et délicieuse, qui finalement peine à trouver son ton.
Qu’elle a l’air chiante, la vie de Naveen. Ou peut-être est-ce lui qui est chiant, comme le laissent entrevoir ses proches, qui l’observent comme un indésirable tentant de maintenir les liens familiaux avec des bouts de ficelle. Par quelques notes nous rappelant la bande originale d’American beauty de Thomas Newman, on sent que la joie ne fait pas partie du quotidien de la famille. Discret, souriant mais d’une évidente mélancolie, Naveen est en proie à des choses qui le dépassent – les troubles alimentaires de Simran, sa fille adolescente, un père en maison de retraite qui perd la raison – mais aussi à ses propres préoccupations. Un retour express à la maison et les révélations s’enchaînent : alors qu’il tente d’établir un dialogue avec sa fille, les deux surprennent Sangeeta, épouse de l’un et mère de l’autre, dans une scène BDSM avec Harvinder, frère de l’un et oncle de l’autre. Dans la scène précédant la découverte, père et fille gèrent leur état de choc, les bruits de l’absurde scène de sexe ayant lieu dans la pièce à côté envahissant l’espace sonore et comique de la séquence. Dès cette scène, et la répétition des effets censés provoquer l’hilarité – Naveen qui accuse une forme de déni quant à l’adultère de son épouse, les cris d’extase qui s’intensifient et deviennent de plus en plus vulgaire –, Isher Sahota étire le temps et manque de discernement quant au moment où couper son action pour acter son tempo comique. Cette envie de trop plein lui fait défaut à plusieurs reprises, quand nombre des péripéties qu’il propose, sympathiques sur le papier, ne parviennent pas à trouver justice à l’écran.

Car dès que Naveen tente de poursuivre son frangin courant à moitié nu à l’extérieur, faisant tomber ses tenues en cuir sur le chemin – autre effet comique évident mais qui, pareil, ne fonctionne qu’à peine –, c’est un nouveau rebondissement qui fait irruption, mettant en scène un détective apportant des réponses quant aux origines du héros qui a découvert il y a peu la réalité de son adoption et recherche ses parents génétiques. Le doute plane également sur l’identité du père de Simran lorsque Sangeeta ne sait plus avec quel frère elle a couché lors de la conception. The effects of lying fait lumière sur tous ces mensonges créant des équilibres fragiles, qui subissent un effet domino lorsque l’un d’eux est dévoilé. Le film essaie de les traiter, malgré la gravité des sujets, comme les rebondissements d’un vaudeville et se refuse à la comédie noire qui siérait bien mieux ici. Pire, lorsqu’il peut intégrer un peu de tragédie, et quand bien même il propose une évolution à son personnage principal – en miroir du traitement catastrophique de Sangeeta, réduite à une quarantenaire nymphomane dont on ne sait de qui elle fait les enfants – qui profite de tout ce capharnaüm pour fuir son foyer et reprendre sa vie en main, il ne le fait que partiellement. Les personnages qui se mettent à nu sont vite rattrapés par une volonté humoristique malvenue et le suicide du père, qui porte sur lui le poids de ses mensonges qu’il avait promis de garder, est expédié le temps d’un plan. Quand le film prend bien trop de temps pour installer ses situations, c’est dans sa rapidité qu’il les bâcle.
Si l’on s’attarde autant sur l’aspect scénaristique, ne s’intéressant qu’à l’écriture des situations et des personnages, c’est que The effects of lying n’est pas force de proposition dans sa mise en scène. Juste fonctionnelle, sans effort de photographie ou dialogue caméra, elle ne fait l’objet d’aucune incarnation de la part d’Isher Sahota. Tout repose sur ces situations poussives qui ne bénéficient pas d’un point de vue pour les aider à s’épanouir. On conçoit qu’il s’agit d’un téléfilm destiné à la télévision britannique et que l’avoir découvert sur grand écran n’aide pas à l’appréhender correctement, toujours est-il que sur le petit écran, il est celui que l’on regarde d’un œil, parce qu’il anime le fond de la pièce et ne nous pousse jamais à nous enfoncer dans le canapé pour y fixer notre attention. C’est bien dommage quand certains sujets, notamment l’adoption découverte par un personnage adulte, méritent d’être montrés avec plus d’implication. On espère découvrir une meilleure facette d’Isher Sahota tant ce premier essai est loin d’être concluant.
The effects of lying, d’Isher Sahota. Écrit par James Hey. Avec Ace Bhatti, Laila Rouass, Lauren Patel…
1h25
Présenté en compétition au festival du film britannique de Dinard 2023